La vice-présidente au Conseil départemental du Gard, en charge de la politique de la Ville, revient sur les batailles qui lui tiennent à cœur.
Ne jamais goûter à la drogue et ne pas s’embourber dans la politique. La mise en garde des parents d’Amal Couvreur à son départ de Casablanca à 18 ans pour parfaire ses études supérieures en France. Pour la première prohibition, la conseillère régionale a rempli le contrat. La deuxième en revanche a eu raison d’elle. C’est après le drame des attentats de Charlie Hebdo qu’Amal Couvreur a un électrochoc. « Si je ne vais pas en politique, elle viendra à moi », se dit-elle à l’époque. Une expérience de vingt ans au service des personnes sans domicile fixe a forgé sa sensibilité sociétale et humaniste. Elle œuvre depuis sur le territoire, à travers son mandat à la Région Occitanie, mais également sa casquette de vice-présidente en charge de la politique de la Ville au sein du Conseil départemental du Gard. « Je suis Française d’adoption, Nîmoise absolue, Gardoise convaincue », nous souffle-t-elle dans son bureau.
Une figure incontournable de la gauche nîmoise, tête de liste aux élections régionales de 2021 dans le Gard. Un esprit combatif qui a séduit Carole Delga, présidente de région. « Je suis fière d’être dans deux collectivités menées par deux femmes de gauche », se réjouit Amal Couvreur en référence à Françoise Laurent-Perrigot, présidente du Conseil départemental du Gard. Deux mandats « complémentaires ». Une légitimité que l’élue puise dans le vote de chaque électeur qui lui a accordée sa confiance, lors des élections départementales sur le canton Nîmes 2 en 2015 et 2021. Face au Rassemblement national défait, le duo Amal Couvreur-Christian Bastid a su imposer sa vision.
L’une de ses batailles ? Favoriser la cohésion sociale et la mixité, socles de la politique de la Ville. Faire en sorte que le médecin puisse habiter non loin de l’ouvrier, du gendarme ou de l’enseignant. « Il faut une mixité sociale, pas seulement ethnique », précise l’assistance sociale de profession. Un défi de taille à Nîmes où le taux de chômage tutoie les sommets dans les quartiers prioritaires. Le cadre de vie est un levier fondamental. L’enveloppe attribuée à la rénovation urbaine est colossale, 600M€ injectés dans les quartiers nîmois pour le renouvellement urbain. Seulement, quel calendrier, quelles solutions immédiates ? « On a pensé la rénovation urbaine sans penser à l’humain, juge Amal Couvreur. Ces derniers ont besoin de logements adaptés, d’une banque, d’une supérette, d’un poste de police et surtout d’éducateurs et de médiateurs qui les écoutent ».
« Une mixité sociale, pas seulement ethnique »
20 quartiers prioritaires sont recensés dans le Gard, 105 en Occitanie. « Le Département du Gard dédie une enveloppe de 8M€ (centres sociaux, prévention spécialisée et politique de la ville), la région Occitanie donne près de 600.000€ pour la seule politique de la Ville alors que ce n’est pas une compétence obligatoire », égrène Amal Couvreur. Et de citer l’Espace Diderot à Valdegour qui affiche « 600 passages par jour », abrite une trentaine d’associations et des services publics essentiels. Quant aux associations, elles font un travail « remarquable malgré la suppression des contrats aidés et le manque de bénévoles », reconnait la conseillère départementale. Celle-ci met en garde, « la politique de la Ville ne doit pas se substituer au droit commun, mais doit être à l’image de l’acupuncture et venir développer des points particuliers ».
Au côté du département, Amal Couvreur s’attaque à la santé mentale et aux conduites addictives. L’élue déplore le délai d’attente pour un rendez-vous avec un pédopsychiatre. « Combien de fois des parents de jeunes addicts sont venus me voir, complètement impuissants », s’émeut-elle. Le département a ainsi fait le choix de financer des consultations psychologiques à destination des familles. « Ça ne désemplit pas », indique celle qui préside la commission solidarité, égalité et inclusion à la Région.
Après le décès de Fayed, « il fallait faire quelque chose »
Dernièrement, les conseils départemental et régional ont mis sur la table 120 000 € pour permettre l’embauche de trois médiateurs au titre du dispositif ‘Anim’Médiations’. L’Etat a rejoint le projet. Pendant un an, les médiateurs recréent du lien entre les jeunes et les institutions, sur les quartiers Valdegour, Pissevin, Chemin-Bas-d’Avignon et Mas de Mingue. Issus des associations HumaNimes, Ufolep et Samuel Vincent, ces médiateurs viennent « temporiser apaiser, orienter » les habitants, sur les parvis des collèges et lycées notamment. Après le décès de Fayed, 10 ans, en août, « il fallait faire quelque chose », précise Amal Couvreur à l’initiative du dispositif.
Surtout, les médiateurs sont mobilisés sur des horaires dits « atypiques », jusqu’à 20h. Un dispositif qui s’intègre dans une politique de cohésion sociale et d’unité. « Je n’oublie pas que nous avons quatre députés RN sur six dans le Gard, rappelle l’élue. Je suis totalement à l’opposé des valeurs qu’ils prônent. Je ne les diabolise pas, ma position est toujours la même ». Et de conclure : « Je suis mère de deux filles et grand-mère de deux petits enfants, je veux qu’ils vivent dans un pays apaisé, qu’ils puissent s’ouvrir au monde ».