Les artisans du Bâtiment devront-ils également occuper les routes pour avoir l’oreille du président ?
Les premières semaines à la présidence de la fédération sont pour le moins « sportives ». Elu depuis le 1er janvier dernier, Pierre Martin a très vite été happé par le tourbillon du secteur d’activité en souffrance. Le dirigeant de Sogea sud Bâtiment entend bien donner un coup de pied dans la fourmilière.
70% des salariés du BTP dans le Gard sont embauchés par les plus de 1000 adhérents de la fédération gardoise. L’antenne qui fournit accompagnement juridique et RH est cruciale quant au relais auprès des décisionnaires.
Il faut dire que les chiffres sont en berne. Sur 2023, le Gard enregistre un recul de l’emploi de 1,8% et 3,9% de l’intérim. Le logement neuf fait figure de mauvais élève, il recule de 7,8% sur le territoire national pour un niveau proche de ses plus faibles scores depuis 1986.
« Les chiffres de 2024 seront bien plus inquiétants. Le tribunal de commerce est saisi des procédures de redressement judiciaire », s’inquiète le président. C’est donc aux côtés d’Olivier Polge, pugnace secrétaire général, qu’il s’est entretenu avec le préfet du Gard, il y a quelques semaines. Quatre actions ont été mises sur la table, que nous développerons un peu plus bas.
« 2024 sera pire »
Une conjonction de facteurs qui s’empilent pour former un cercle vicieux redoutable. Les taux d’intérêt viennent porter le coup de grâce, tutoyant les 4% contre 1% auparavant, diminuant drastiquement la capacité d’emprunt. Les normes environnementales quant à elles surenchérissent les coûts de production. « La bulle de la crise du logement a déjà explosé », constate amèrement Pierre Martin.
Comptez 10% de coûts supplémentaires pour les constructeurs, dû à l’explosion des prix des matériaux. S’il n’y avait que ça… La crise du foncier vient se greffer au nœud inextricable de difficultés. « En 5 ans à Nîmes, le m2 de surface habitable est passé de 250 à environ 800 euros selon les lieux », détaille Pierre Martin d’un air grave. Un foncier qui risque par ailleurs de s’amoindrir en raison de la loi ZAN, imposant une réduction de l’artificialisation des terres.
Le logement, un placement financier ?
« Le dispositif Pinel a transformé le logement en un produit financier de placement, pas si mauvais par rapport à un livret A », dénonce le président, vent debout contre ces intermédiaires en placement qui « ajoutent une strate de 10% sur le prix de vente ». Résultat, en 2015, les acquéreurs pouvaient acheter un logement à 2800 euros du m2, contre 4200 euros aujourd’hui dans le département.
« Une vraie réflexion » doit s’engager pour loger dignement les Français et soutenir l’économie du bâtiment. A commencer par le Prêt à taux zéro (PTZ), considéré comme un apport par les banques. A l’inverse d’une attribution par zones ou l’offre de logement est restreinte, Pierre Martin revendique son accessibilité à tous, conditionnée aux revenus. Un Prêt à taux zéro, « dont les barèmes datant de 2015 doivent être revus et concerner également les logements individuels exclus du dispositif », poursuit le président.
PTZ, Prime rénov’, REP
Face au préfet, Pierre Martin et Olivier Polge ont proposé la suppression de la surtaxe sur le Gazole non routier, utilisé également par les artisans. En plus du retour du PTZ dans son ancienne version, la prime rénov’ a fait l’objet de discussions. Cette prime, qui n’est plus allouée par « geste mais par bouquet de travaux », alourdit l’enveloppe des propriétaires qui rechignent à passer à l’acte.
Un « accompagnateur rénov’ » serait chargé d’orienter le particulier dans la conduite des six travaux. Problème, « il y en a très peu sur le territoire, cela a un coût et ajoute un intermédiaire entre le propriétaire et les artisans », liste Pierre Martin. Tout ne serait-il pas mis en œuvre pour décourager la demande de cette fameuse prime ? Une menace pour la rénovation énergétique qui a toujours été un secteur dynamique.
Enfin, il a été exposé au préfet durant cette réunion, l’épineuse question de la REP, la Responsabilité élargie du producteur, incluant une écotaxe effective depuis le 1er mai 2023. Les constructeurs s’acquittent en effet de cette taxe, permettant que leurs déchets soient recyclés gratuitement par une plateforme dédiée.
Sur la feuille, la mesure vertueuse est largement louable. Dans la pratique, ces plateformes « n’existent pas encore, les constructeurs paient une taxe pour un service qui n’est pas rendu ». Une taxe qui n’est pas répercutée sur le client, mais bien absorbée par le constructeur dont la trésorerie est déjà en famine.