InfOccitanie : Pourriez-vous revenir sur la genèse de cette ZFE, Zone à faibles émissions ?
Laurent Jaoul : Les premières esquisses ont été posées par François Hollande, puis la mesure a été reprise par le gouvernement d’Edouard Philippe. Réglementée par la loi du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités, la ZFE a été renforcée par la loi Climat et Résilience du 22 août 2021. Cette ZFE concerne 43 intercommunalités de plus de 150 000 habitants en France.
InfOccitanie : Le maire-président de Montpellier, Michaël Delafosse, ne fait donc qu’appliquer une mesure imposée par le gouvernement ?
Laurent Jaoul : Il y a une certaine liberté laissée aux présidents d’intercommunalités. Michaël Delafosse ne fait qu’appliquer la loi, nous sommes bien d’accord. Mais il n’était pas obligé de se précipiter, d’autres agglomérations ont décidé de prendre leur temps. A Montpellier, il y a quand même un exécutif écologiste prégnant… En 2022, il avait été proposé en conseil de métropole de mettre en application cette ZFE au 1er janvier 2025. Dans ma commune, sur 2000 cartes grises, 800 sont concernées car le véhicule est classé Crit’Air 3, 4 ou 5. A Montpellier, sur 140 000 cartes grises, 35 000 véhicules sont concernés. A l’époque, je m’étais opposé à cette mesure, aux côtés des maires de Baillargues, Restinclières et Beaulieu.
InfOccitanie : Qu’avez-vous entrepris comme première mesure en guise de réprobation ?
Laurent Jaoul : J’avais fait voter en conseil municipal une délibération visant à abroger cette ZFE, avec une visée plus politique que juridique, car la décision revient in fine à l’intercommunalité. Je me suis aperçu très vite que 16 maires me soutenaient, puis 23 communes de la métropole sur 31.
InfOccitanie : Certaines communes n’ont pas porté cette délibération en conseil, pour quelles raisons selon vous ? (notre article)
Laurent Jaoul : En effet, il s’agit de Jacou, Clapiers, Grabels, Prades-le-Lez, Villeneuve-lès-Maguelone, Juvignac et Montpellier. Certains m’ont clairement dit qu’ils étaient en faveur de la ZFE. Certains ne m’ont pas répondu car ils étaient gênés. Lorsque je regarde de plus près, ils ont tous la même sensibilité politique, à part le maire du Crès. Pour autant, la ZFE n’est ni de droite ni de gauche, je ne veux pas lui attribuer une orientation politique.
InfOccitanie : En quoi est-elle selon vous un outil de « ségrégation sociale » ?
Laurent Jaoul : Les artisans, commerçants, étudiants n’ont pas les moyens de s’acheter un nouveau véhicule. Ils préfèrent payer les amendes, sauf qu’il sera possible d’avoir plusieurs amendes de 68 euros par jour avec le lecteur de plaque d’immatriculation ! Mes enfants sont artisans, carreleur et peintre, ils roulent avec des véhicules utilitaire Crit’Air 3 et sont amenés à prendre des chantiers dans la métropole de Montpellier. Des véhicules pesant 2 tonnes à 100 000 euros sont plus polluants de par leurs pneus qu’un véhicule classé 3 mais bien entretenu et validé au contrôle technique. En gros, si vous avez de l’argent, vous pouvez rouler librement. Pour les « gueux », passez votre chemin. Il y a un vrai problème de liberté individuelle.
InfOccitanie : Dans la métropole de Montpellier, la ZFE est suspendue jusqu’en 2027 après le vote du moratoire dont vous êtes à l’origine. Les conducteurs seront-ils verbalisés en 2027 ?
Laurent Jaoul : Le 13 février dernier lors du vote, j’ai pris la parole pour dire que dès le lendemain, je prendrai mon bâton de pèlerin pour que cette mesure soit définitivement supprimée. La métropole mettra la signalisation à partir de 2027, après quoi il sera théoriquement possible de verbaliser. Sauf qu’il y a des élections en 2026, les choses peuvent même arriver plus tôt ! Un autre candidat peut prendre la présidence de la Métropole et appliquer cette ZFE avant… C’est pour cela qu’avec Alexandre Jardin, nous nous battons pour que la loi soit enterrée définitivement.
InfOccitanie : Un amendement a été voté en faveur de l’abrogation de la ZFE, en commission à l’Assemblée nationale. Une victoire ?
Laurent Jaoul : Non pas encore, mais une étape importante franchie grâce à une mobilisation sans relâche. Des amendements ont été apportés en commission de « simplification de la vie économique », par des députés LR et RN, adoptés par 26 voix pour, 11 contre, 9 abstentions. Les députés des groupes LR, RN UDR, Liot, Horizons ainsi qu’une bonne partie des députés macronistes ont soutenu ces amendements. En revanche, les députés socialistes, Insoumis et écologistes ont voté contre ou se sont abstenus !
InfOccitanie : Quelle est la prochaine étape ?
Laurent Jaoul : Le 8 avril prochain, la proposition de loi sera soumise en séance plénière à l’Assemblée nationale. Ce qui est sorti en commission hier, il faut le concrétiser ! Nous avons quand même eu des députés Horizons ou Macronistes qui ont voté en faveur de l’abrogation. Le 8 avril, s’ils sont aidés pas la gauche et les non-inscrits, cela peut constituer une majorité.
InfOccitanie : Si cela tourne à l’échec, avez-vous un plan B ?
Laurent Jaoul : Nous avons les sénateurs qui sont en majorité en faveur de l’abrogation. Puis, nous travaillons localement à une voie juridique avec David Guyon, avocat montpelliérain. Nous réfléchissons à constituer des dossiers afin d’attaquer cette ZFE au tribunal administratif. En attendant, je donne rendez-vous à tous les « gueux » devant la métropole de Montpellier, le 6 avril à 14h. Ce rassemblement, coorganisé avec la Fédération française des motards en colère ou encore 40 millions d’automobilistes, se réunira également à Paris, Lyon ou encore Marseille, avec les conducteurs, artisans et commerçants opposés à la ZFE.