Ce 27 octobre, le tribunal correctionnel de Montpellier était plongé dans une affaire d’arrestation, d’enlèvement et de séquestration qui aurait été commise il y a bientôt cinq ans à Frontignan, dans l’Hérault.
« Contrôle de police »
Que s’est-il passé dans la nuit du 26 au 27 novembre 2019 dans les rues de Frontignan ? Au cours de la nuit, un homme dépose plainte et relate des faits aux forces de l’ordre. En raison d’une dette relative à un chantier, il aurait été enlevé et violenté par plusieurs hommes. Vers 22 heures, trois hommes, se faisant passer pour des policiers, l’interpellent prétextant un contrôle des forces de l’ordre. À l’intérieur du véhicule, la victime menottée est informée par les prétendus policiers qu’elle a « fait une grosse bêtise concernant l’argent » et comprend alors qu’il ne s’agit pas d’un contrôle de police. Par la suite, l’homme est emmené sur la garrigue, violenté et menacé : il doit verser la somme de 100 000 euros sinon il recevra « une balle dans la tête » et ne reverra plus sa petite fille de 4 ans. Les trois auteurs des violences prennent finalement la fuite, laissant leur victime au sol.
Les investigations se poursuivent
S’ouvre alors une enquête. Exploitation de différentes lignes téléphoniques, analyse des contacts, visionnage des images de vidéo-surveillance de la ville … Les investigations se poursuivent. Une voiture, Renault Megane blanche, attire l’attention des enquêteurs.
En mai 2020, plusieurs suspects finissent par être interpellés. La victime indiquant en avoir reconnu un à ses sourcils malgré le port du masque chirurgical, tandis que d’autres sont formellement identifiés au cours des confrontations et de la présentation de planches photographiques. Lors de la perquisition, armes, gants et pantalons de treillis sont saisis. Pantalons et gants qui auraient également été reconnus par la victime.
Quatre individus sont mis en cause
À la suite d’une instruction et de l’interpellation d’un quatrième homme, suspecté d’être l’instigateur de l’embuscade, quatre individus sont mis en cause. Le 27 octobre, le tribunal correctionnel de Montpellier juge celui présenté comme l’instigateur présumé et les trois hommes présents le soir des faits : deux frères et un ami.
Après un rappel des faits, la présidente expose les éléments attestant de l’agression : traces rouges au visage, traces de menottes au niveau des poignets, état de sidération de la victime, présence de la voiture sur les images … Néanmoins, les quatre prévenus contestent formellement leur implication dans cette agression. Les témoignages restent également flous sur une éventuelle dette que la victime devrait à celui présenté comme « l’instigateur de l’agression », un élément qui soulève la question d’un éventuel intérêt pour lui. Comment interpréter l’affirmation de la victime évoquant une dette envers l’un des prévenus ? Le tribunal s’interroge.
« Les enquêteurs n’ont travaillé qu’à charge »
Les autres prévenus, pour leur part, remettent en cause leur identification par la victime au cours des confrontations notamment. « Comment pourrait-on soi-disant me reconnaître alors que je portais un masque chirurgical lors de la confrontation ?« , s’interroge l’un d’entre eux, visiblement nerveux à la barre. « Je ne suis pas le seul à avoir les yeux clairs« , ajoute un autre. « Vous utilisez ce que vous avez envie d’utiliser. Les enquêteurs n’ont travaillé qu’à charge« , conclut le troisième prévenu.
L’avocat de la partie civile s’avance. Son client, affirmant par le biais de son conseil « n’avoir jamais été aussi bas mentalement« , se constitue partie civile mais ne formule aucune demande financière.
La procureure de la République estime, quant à elle, que l’absence de reconnaissance des faits par les prévenus équivaut à une absence de prise de conscience de la gravité des faits et donc à une augmentation du risque de récidive. Estimant les faits entièrement caractérisés, elle requiert des peines allant jusqu’à trois ans d’emprisonnement partiellement assortis du sursis probatoire ou du sursis simple.
« Vous n’avez rien démontré Madame le procureur de la République »
Enfin, la parole est à la défense avec les plaidoiries successives de Maîtres Darrigade, Le Coz, Widuch et De Saint Julien. « Vous n’avez rien démontré Madame le procureur de la République« , débute Maître Le Coz avant de blâmer le fait que de nombreuses investigations n’ont pas été faites et de demander la relaxe de son client. Maître Widuch, pour sa part, s’attache à déconstruire les arguments de l’accusation. D’après elle, le prétendu mobile de l’agression, une dette que la victime aurait envers son client, n’était même pas encore exigible, ce qui, selon l’avocate, écarte tout véritable motif. Enfin, la confusion des déclarations de la victime est également pointée par la défense. Le tribunal correctionnel de Montpellier rendra sa décision après avoir délibéré.
