Le sénateur PS du Gard, et ancien président du Conseil départemental du Gard, Denis Bouad, revient pour InfOccitanie sur quelques faits d’actualité.

InfOccitanie : Entrons dans le vif du sujet, visez-vous un prochain mandat de sénateur ?

Denis Bouad : La réponse est oui ! À condition de ne pas mourir demain (rire). Depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron, cette majorité a porté des mesures ultra-libérales que même le gouvernement Sarkozy n’avait pas osées. Le Sénat est toutefois une Chambre dans laquelle on peut débattre de beaucoup de sujets et faire évoluer les lois. Et ceci même si je suis socialiste et dans l’opposition.

Comment la gauche réussira à avoir deux sénateurs gardois, alors même que Laurent Burgoa (LR) met du cœur à l’ouvrage sur le terrain ?

La droite gardoise peut s’appuyer sur les mairies d’Alès et de Nîmes. Ce sont deux grandes communes qui représentent beaucoup de délégués au sein du collège électoral. Lors des dernières élections, le RN avait fait plus de 200 voix, le premier danger est là. Il faut attendre le résultat des élections municipales pour savoir qui sera le mieux placé dans la bataille. Et puis, si je me fie à l’actualité et au sondage des Européennes, la liste LR fait 8%. D’ailleurs, beaucoup de partisans LR soutiennent plutôt Edouard Philippe (parti Horizons, ndlr) pour les présidentielles…

Selon vous, qu’est-ce qui a conduit Claire Lapeyronie à perdre son siège de maire de Pont-Saint-Esprit, au profit de Gérôme Bouvier ?

En toute objectivité, on a joué avec le feux. Je me réjouis de l’élection de Gérôme Bouvier, car sinon, nous aurions été en ballotage face au RN et ses idées nauséabondes. Claire a un bon bilan, elle a redressé les finances, trouvé un terrain pour le collège, multiplié les investissements utiles aux habitants. La division avec les adjoints a rendu la situation plus qu’inconfortable. Nous aurions peut-être dû réunir tout le monde et remettre de l’huile dans les rouages.

Vous préconisez un Plan Marshall pour la viticulture, quelles sont les modalités ?

La situation de la crise viticole était prévisible, on allait vers de grandes difficultés. J’ai toujours dit qu’il fallait une distillation de masse. En France, la consommation baisse de 3% par an. Les Français boivent moins de vin au profit de la bière ! Quand vous écoutez les professionnels, entre 4 et 5 millions d’hectolitres de vin sont excédentaires. Il faut élargir le dispositif d’arrachage des vignes, qui permet une prime à l’hectare arraché. Ceci pour lutter contre les maladies qui menacent les vignes laissées à l’abandon et réduire la production d’un vignoble frappé par la chute de la consommation.

Comment les viticulteurs accueillent la proposition ?

C’est sûr que quand je parle d’arrachage, cela ne fait pas plaisir à tout le monde. Mais cela permettrait de faire des économies en matière de coût de fonctionnement et une meilleure rémunération de l’agriculteur. Il faudrait un plan d’arrachage social pour ceux proches de la retraite, leur permettant de sortir dignement du métier avec une prime d’arrachage à sa juste valeur. Puis un arrachage temporaire pour ceux qui en ont besoin.

Le gouvernement a-t-il répondu aux attentes des agriculteurs ?

Le gouvernement a plus ou moins répondu positivement, via le plan d’aide d’urgence. 8,6M€ ont été injectés dans la trésorerie des agriculteurs gardois. Même s’il reste encore quelques trous dans la raquette. Les caves coopératives ont été exclues du dispositif alors qu’elles sont nombreuses dans notre département.

Laurent Burgoa a voté en faveur du CETA, accord de libre échange entre l’UE et le Canada (notre article). Pourquoi avoir voté contre ?

Tout simplement parce que nous aurons davantage de bœuf du Canada, regardez déjà les agneaux de la Nouvelle-Zélande sur nos étals ! Des produits qui entrent en concurrence avec nos éleveurs français et gardois. C’est une question de politique d’achat, si les salaires étaient valorisés, les gens seraient moins regardants sur le prix et privilégieraient les circuits courts. Un couple avec plusieurs enfants est tenté d’acheter des fraises espagnoles par exemple. Par ailleurs, nous avions regretté que ces accords aient été négociés bilatéralement entre les gouvernements, sans passer par l’Assemblée nationale et le Sénat.

Quelles mesures pour un usage et un partage raisonnés de l’eau ?

L’eau sera le problème des vingt prochaines années. On doit creuser autour du prélèvement de l’eau dans le Rhône, via des structures telles que BRL. Ceci dans le but d’arroser les parcelles agricoles par exemple. Des solutions telles que le système de goutte à goutte pour l’agriculture, sont économes. Au-delà de cela, il faut réfléchir à l’eau du robinet, sensibiliser la population à une optimisation de la consommation par le biais de réducteurs de pression par exemple. Il faudrait réfléchir également à un meilleur recyclage des eaux usées et renforcer les dispositifs des bassins de rétention dans notre département.

La Gauche est fracturée, servez-vous les Européennes sur un plateau d’argent au RN ?

La Gauche arrive divisée sur cette élection européenne. Ceci dit, elle cumule 30 points dans les sondages. En 2027, il est certain que l’on ne pourra pas avoir Mélenchon en guise de candidat, beaucoup trop clivant. Il nous faut un candidat social-démocrate, capable de rassembler. Nous avons deux ans et demi pour trouver le bon candidat, dont le programme répondra aux attentes des Français. La droite n’est pas mieux lotie que nous, même bien plus mal. Quant à la République en marche, sans Macron, elle n’existe plus.

Carole Delga, présidente de la Région Occitanie, ferait-elle une bonne présidente de la République selon vous?

Il faudrait lui poser la question. Je dirais que oui. Elle est soucieuse d’avoir un pays fort, regardez la politique qu’elle conduit en Occitanie ! Elle rassemble les forces de la gauche, même au-delà. Carole Delga est un bon rempart face au RN, elle a des qualités indiscutables et une stature. C’est tout de même une ancienne ministre.