Giovanni Di Francesco est responsable PCF du bassin d’Alès et membre du collectif CERBA, Collectif citoyen pour les énergies renouvelables du bassin alésien. Ce dernier affirme que la terre qui accueille la centrale photovoltaïque de Lacoste-Lavabreille est « sacrifiée » et que des « sols fertiles sont annexés » au détriment de l’intérêt général.
Les automobilistes qui sillonnent la N106, entre le Pôle Mécanique et Cendras, ne peuvent pas passer à côté. La zone dite Lacoste-Lavabreille accueille quelque 34 749 panneaux photovoltaïques surélevés, sur un terrain de 32,5 hectares. Ce parc photovoltaïque, dont l’exploitation a été confiée à TotalEnergies moyennant loyers reversés à Alès agglomération, se situe sur la commune de Saint-Martin-de-Valgalgues. Un projet déjà amorcé, qui nourrit les tensions entre la majorité, l’opposition et les organisations de défense de l’environnement qui y voient, ni plus, ni moins, qu’une « TOTAL erreur ».
Le classement de la zone fait débat
L’équipement promet de couvrir la consommation annuelle d’approximativement 15 000 personnes, sur des friches « inondables, non constructibles et non cultivables », selon les propos de l’Agglo. « A l’origine, cette terre était un verger. Il y avait plein d’arbres fruitiers, on y mangeait de tout », rembobine Giovanni Di Francesco. Le militant rappelle que cette zone est « une plaine alluviale, lit majeur du Gardon dans lequel la crue est réceptionnée ». Dans les années 70, ce terrain a été classé en ZAC dans le but d’y accueillir des entreprises. « Très peu s’y sont installées, préférant le quartier de Clavières par exemple », précise le militant PCF.
La zone fait l’objet d’un PPRI
« Suite aux inondations, la zone a été frappée d’un PPRI (Plan de prévention des risques naturels d’inondation, ndlr) et s’est retrouvée classée en rouge », abonde le défenseur de l’environnement. Le préfet demande alors à ce « qu’elle soit reclassée », narre l’intéressé, selon qui « le seul classement possible est en zone naturelle ». Une question se pose alors, une zone inondable peut-elle accueillir de l’agriculture maraichère ? « Cette terre située en bord de Gardon est jugée idéale pour la culture en raison de son enrichissement en limonosit », rétorque le collectif CERBA composé d’associations environnementales et d’organisations politiques.
« La terre aurait pu servir à nourrir les écoliers de toutes nos cantines »
En 2022, suite à un appel d’offres, TotalEnergies décroche le contrat d’exploitation de cette zone dans le cadre d’un bail emphytéotique de 30 ans. « La même société qui se peint en vert et enregistre 19 milliards de profit en 2022 sur l’exploitation d’énergie fossile », fustige le militant qui n’est pas contre le photovoltaïque mais ailleurs que sur des terres agricoles et plutôt dans un schéma de « maitrise publique de l’énergie ».
Un gâchis d’autant plus dommageable pour le collectif CERBA, que ledit terrain, propriété d’Alès agglomération, aurait pu s’inscrire dans les PAT (Projets alimentaires territoriaux), afin de « nourrir les écoliers de toutes nos cantines, nos Ehpad, privilégier le circuit court et le recrutement des locaux. » Et le militant PCF de poursuivre : « on aurait pu faire pousser des aubergines pour la moitié des Alésiens, c’est rageant ».
« Ils ne sont même pas d’ici ! »
Au terme d’une discussion express de trois minutes au téléphone, Christophe Rivenq, président d’Alès agglomération, n’a pas caché son irritabilité : certains membres du collectif « ne sont même pas d’ici et racontent des bêtises depuis des années, le projet avait recueilli 90% » d’adhésion à l’époque des concertations, nous répond l’élu. Le même de conclure laconiquement : « je n’ai pas de temps à perdre avec cela, écrivez ce que vous voulez ».
« On a recensé tous les parkings des grandes surfaces »
Le collectif CERBA n’hésite pas à mettre quelques propositions sur la table, par la voix des élus d’opposition au conseil communautaire. « Nous avons recensé tous les parkings des grandes surfaces alésiennes et les toitures des équipements publics, il y a largement de quoi faire les 32 hectares de photovoltaïque en imposant des règles d’urbanisme contraignantes », propose le collectif.
Quid du PCAET
Selon ce dernier, l’Agglo a « sauté » sur cette opportunité dans le but de « rattraper son retard ». Le PCAET (Le plan climat-air-énergie territorial), impulsé par les pouvoirs publics, fixe des objectifs ambitieux à horizon 2025 de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) et d’optimisation des consommations énergétiques. « Vu que l’Agglo était en retard par rapport aux autres agglos de la même strate, elle s’est jetée sur ce projet pour être dans les clous », affirme Giovanni Di Francesco.
« Les panneaux sont surélevés de 5 mètres, c’est encore plus coûteux ! »
« Le ministère de la Transition écologique est prêt à soutenir financièrement les projets photovoltaïques au sol, exclus les projets sur terrains agricoles, voilà pourquoi ils n’ont pas changé la destination de ce terrain », s’insurge le militant PCF. Ce dernier appuie par ailleurs sur un point : « vu que c’est inondable, ils ont été obligés de surélever les panneaux de 5m avec des gros poteaux, c’est encore plus coûteux ».
« 270M€ de bénéfice sur 30 ans », contre « 4,5M€ pour l’Agglo »
La question financière crée le remous : « des profits colossaux seront dégagés par TotalEnergies sur la durée du contrat, comparativement aux gains de l’Agglo via les loyers, c’est catastrophique, le delta est énorme », conclut le militant. Selon les calculs du collectif Cerba, TotalEnergies, qui vendrait l’électricité « sept fois plus cher que son coût de production », engendrerait « 270M€ de bénéfice sur 30 ans », contre « 4,5M€ pour Alès Agglomération sur la même période ».