SERM, Contournement Ouest de Montpellier, CoNîmes, versement mobilité… Jean-Luc Gibelin, vice-président de la Région Occitanie, en charge des Mobilités et des Infrastructures de transports, fait un tour d’horizon des sujets d’actualité.
InfOccitanie : Pourra-t-on bénéficier d’un RER métropolitain (notre article ici) à Montpellier, à l’image de celui à Paris ?
Jean-Luc Gibelin : Le RER en Île-de-France correspond à une situation particulière. Ni à Toulouse, ni à Montpellier, il ne pourra y avoir de réseau et de matériel dédié. Le raccourci d’affirmer qu’il y aura un RER métropolitain à Montpellier dans le cadre du SERM (Services express régionaux métropolitains, ndlr) est un abus de langage. Pour autant, il y aura une réelle amélioration de la desserte métropolitaine, de la cadence, une meilleure articulation des trains et des cars à haut niveau de service, car toute une partie du territoire de Montpellier n’est pas couverte. Il faut y travailler.
InfOccitanie : Quels sont les objectifs du SERM de Montpellier ?
Jean-Luc Gibelin : Il s’agit de partir de la dimension régionale, il ne suffit pas d’améliorer le réseau métropolitain mais d’articuler les deux. La région ne se résume pas à deux pôles métropolitains, elle compte 4500 communes. Il y a plus de communes en dehors qu’à l’intérieur de la métropole, des personnes qui s’y rendent pour travailler, consommer ou pour des loisirs. Le but du SERM est de perdre moins de temps dans les transports, de diminuer les émissions de gaz à effet de serre, de favoriser l’intermodalité…
InfOccitanie : Où en est le calendrier quant à la labélisation du SERM de Montpellier et au versement des premiers subsides de l’Etat ?
Jean-Luc Gibelin : Concernant le calendrier, nous ne savons rien. Le seul support qui existe, c’est la loi qui prévoyait un comité financeurs avant fin juin 2024, nous avons passé cette date. Rien de ce qui était prévu par la loi ne s’est fait. Une loi de fin décembre 2023 stipulait que tout devait être réglé fin 2025, pas grand chose n’a été fait. La label ne sert à rien s’il n’y a pas de financement derrière.
InfOccitanie : Avec le déficit public, l’Etat a-t-il beaucoup d’argent à mettre sur la table pour financer les mobilités ?
Jean-Luc Gibelin : Tous les ans, Bercy récupère entre 60 et 80 milliards sur les mobilités. Avec évidemment la TIPCE (Taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, ndrl.), mais pas que. De l’argent prélevé sur les mobilités, il y en a. Donc les mobilités sont plutôt un lieu de recettes pour l’Etat. Malgré ces recettes, les Région se retrouvent à financer en grande partie les mobilités.
InfOccitanie : Les Régions souffrent-elles d’un manque de moyens financier pour assurer les mobilités ?
Jean-Luc Gibelin : Carole Delga, présidente de la Région Occitanie (également présidente des Régions de France, ndlr) a beaucoup travaillé en faveur du versement mobilité pour les Régions. Le versement mobilité est une taxe à laquelle sont soumises les entreprises qui emploient au moins 11 salariés. Les Régions sont en charge de coordonner les mobilités, elles en sont responsables en premier lieu. Pourtant, elles n’ont pas de recette dédiée, alors que les communautés d’agglomération et les métropoles disposent d’un versement mobilité. C’était toute la bataille que d’intégrer un versement mobilité régional dans le budget, on vérifiera toutefois sa bonne application et les modalités.
InfOccitanie : Le versement mobilité permettra-t-il à la Région de mieux respirer ?
Jean-Luc Gibelin : le versement mobilité régional représente globalement 50 millions d’euros de rentrée fiscale pour la Région. Le budget d’investissement en matière de mobilités sur un mandat en Occitanie représente 1 milliard d’euros… La question du financement des SERM est très spécifique. C’est une demande de l’Etat, c’est donc mieux qu’elle l’assume financièrement. Il est très important que les SERM restent une question identifiée, nous n’avons pas intérêt à ce qu’ils soient fondus dans le financement des Régions en général…
InfOccitanie : Pour desservir notamment la Vallée de l’Hérault, certains élus montpelliérains prônent le ferroviaire plutôt que des lignes de bus. Qu’en pensez-vous ?
Jean-Luc Gibelin : A la Région, nous sommes convaincus que le ferroviaire est une colonne vertébrale des mobilités. Nous sommes la seule Région à rouvrir des lignes et à cofinancer des infrastructures ferroviaires. Mais il faut être clair, lancer une infrastructure ferroviaire là où il n’y en a pas, c’est un chantier sur vingt ans, je ne parle même pas du coût et des études environnementales. Proposer des cars à haut niveau de service répond à la situation actuelle à Lodève par exemple.
InfOccitanie : les bus et cars sont renforcés dans le SERM de Montpellier. Avec la hausse du coût de l’énergie, le prix des tickets et des abonnements ne risquent-ils pas d’exploser ?
Jean-Luc Gibelin : Le problème de l’énergie est aussi vrai pour le ferroviaire, le train électrique, thermique… C’est pour cela que j’insiste sur les recettes à notre disposition. Les Régions n’ont pas eu d’aide sur le surcoût de l’énergie contrairement aux Métropoles. L’argument avancé ? Les Régions ont de l’argent. Si l’on compare aux collectivités des autres pays, nous avons un budget ridicule au regard de nos champs de compétence. Je rappelle que chaque jour, plus de 5 000 conducteurs assurent le transport de 180 000 élèves. C’est une dépense lourde et quasi obligatoire.
InfOccitanie : Contournement Ouest de Montpellier, les oppositions politiques montent au créneau et des associations environnementales hurlent au scandale écologique. Quel regard portez-vous sur ce projet reliant les autoroutes A709 et A750 sur 6,2km ?
Jean-Luc Gibelin : Il ne faut pas opposer les modes, mais aider à un report modal pour diminuer la place de la voiture. Nous savons que le train ne peut pas être la solution partout, tout comme le car interurbain. Il faut une articulation entre les différents modes de transport et travailler à une vraie transition énergétique. C’est ce que la Région fait avec les cars bio GNV, électriques, la stratégie de covoiturage… Supprimer la voiture sur l’ensemble de la Région n’est pas la solution. Afficher un mode à honnir est discriminant pour ceux qui n’ont pas d’autre solution que la voiture. Nous ne serons pas ceux qui diront qu’il ne faut pas d’infrastructure routière. Maintenant, il faut miser sur l’intelligence, la science et les nouvelles techniques, réfléchir à des revêtements qui n’imperméabilisent pas les sols par exemple.
InfOccitanie : Déplacement de la Gare Saint-Césaire à Nîmes, est-ce réalisable selon vous ?
Jean-Luc Gibelin : Le déplacement de la gare Saint-Césaire est une demande de Nîmes Métropole que nous avons instruite car la Région a cofinancé des études. Le principe du déplacement de la gare pour la mettre au cœur du nouveau quartier Marché Gare afin de bénéficier d’une alimentation ferroviaire est légitime. Toutefois, c’est très couteux, il y a également toute la signalisation à modifier. C’est une gare sur laquelle passe des TER, du fret, il y a beaucoup de passages. Cela a du sens dans le SERM de Montpellier, sur une ligne de Sète à Nîmes Pont-du-Gard. Tant que nous n’avons pas de lisibilité sur les deux financements, SERM et CPER, c’est compliqué.
InfOccitanie : Contournement Ouest de Nîmes dans le cadre du CPER, l’Etat est-il absent du rendez-vous selon vous ?
Jean-Luc Gibelin : L’Etat a diminué son financement dans le cadre de ce CPER. La région a veillé à ce que dans l’ensemble du CPER, il y ait 80% de ferroviaire. L’Etat doit être financeur du ferroviaire, il l’est insuffisamment. Quand 100 euros sont mis par l’Etat sur le ferroviaire, il y en 160 en Allemagne et en Italie, 400 en Suisse. Il y a un sous investissement de l’Etat. Comme j’ai pu l’entendre il n’y a pas eu d’accord Etat-Région pour diminuer la part dédiée à Nîmes dans le CPER ! La Région a maintenu son financement mais n’a pas compensé le désengagement de l’Etat. Nous restons sur la même proportion.
InfOccitanie : Sète Agglo a fait part d’inquiétudes concernant le projet de Ligne Nouvelle Montpellier-Perpignan (LNMP). Elle recommande un projet avec un tracé clairement différent. Que leur répondez-vous ?
Jean-Luc Gibelin : J’ai eu un contact avec son président, je lui ai dit que nous étions ouverts à la discussion. Ce projet a passé toutes les étapes de recours, il est entré en phase de réalisation. Le remettre en cause maintenant signifie l’arrêt pur et simple du projet, puisqu’il faudrait repartir sur dix ans d’étude à minima. Je rappelle qu’il s’agit de faire un doublé de ligne, la ligne actuelle sera maintenue, il n’a jamais été question de la remplacer. Sur le risque de submersion marine, c’est bien pour cela qu’il faut une nouvelle ligne. Je rappelle qu’en 2016, nous étions à 14 000 camions par jour qui passait le Perthus, aujourd’hui, nous en sommes à 20 000 environ tous les jours… Il faut une ligne fiable et engager des travaux pour sauver la ligne actuelle. Si demain les trains de fret et une partie des TGV passe par la ligne nouvelle, il y aura des sillons sur la ligne classique et nous pourrons augmenter la desserte en TER. Nous ne sommes pas du tout dans une perspective de délaisser ce territoire.