A 26 ans, la co-directrice de la nouvelle formation d’éloquence à l’Université de Nîmes nous livre des bribes de son parcours qui nourrissent son engagement.  

Première audience devant la juge des enfants. « Mais qui est cette femme en face de moi ? », s’entend-elle encore s’interroger, empreinte d’admiration. C’est précisément à cet instant que la toute jeune Mélissa Aabaid est piquée par l’univers du droit, ses plaidoiries tranchantes et sa rhétorique habile. Déjà en CP, elle perturbe le corps professoral, nulle envie de devenir chanteuse ou vétérinaire, mais « magistrate » avec aplomb et verve. En CE1, Mélissa Aabaid se plait à « porter la voix des élèves », premier pas dans la prise de parole et la défense de l’intérêt général. « Je suis toujours allée vers les plus démunis », se remémore-t-elle en sirotant son nectar parfum violette au Napoléon, chaussures vernies aux pieds, tailleur impeccable.

« Je suis toujours allée vers les plus démunis »

“Une petite hirondelle lumineuse dans un monde de nuages”, ainsi pourrait-on qualifier la Nîmoise passionnée de son territoire. Dans des heures sombres jalonnées de conflits géopolitiques, de menaces environnementales et autre misère sociale, Mélissa Aabaid mouille le maillot et cherche du sens. Nocturne de Nîmes contre la déficience visuelle, cause de l’enfant et de l’autisme, création d’une branche jeunesse au Lions Club, Mélissa Aabaid tisse sa toile avec brio au profit de publics écorchés par la vie. Surtout, la juriste de profession, passée sous le giron d’Aix en master de droit, manie les réseaux sociaux comme personne. A grand renfort de publications, elle partage ses projets, promeut l’éloquence aux plus jeunes via des vidéos calibrées pour la toile. Elle y manie des mots mélodieux et déclare sa flamme à la cité romaine. « J’ai déjà versé une larme en écrivant », nous confie celle qui se berce de musique classique au moment d’extérioriser. Elle puise dans son parcours auprès de sa famille d’accueil qui lui apporte tant, de sa mère maternelle, qu’elle estime et chérit.

Après le lycée Albert Camus, direction la fac de droit à Nîmes. Par pure curiosité, la voilà s’immisçant un jour dans l’amphithéâtre pour assister à un concours d’éloquence. Une première. Les missives fusent, les tons varient, la gestuelle s’en mêle. C’est décidé, l’année suivante, elle sera à la place du candidat. Un terrain inconnu pour la championne de France de rock acrobatique, l’âme de la compétition et la discipline chevillées au corps. Le jour J, « je vois toute ma promo de droit venir, j’ai ressenti une sensation que je n’avais jamais ressentie auparavant », narre-t-elle avec un trémolo dans la voix. Elle termine première. Direction Paris où elle donne le change face à Paris Nanterre, Evry, Sorbonne Assas… « Je débarque avec mon accent provençal, mon chapeau et ma robe », et termine dans le top 10 de France, face à des « pontes de l’art oratoire ». L’Atelier de la langue française la distinguera deux années consécutives parmi les huit meilleurs orateurs français. L’éloquence est un « sport brut, tu ne peux pas te cacher derrière les mots, tu te mets à nu », se confie celle qui parfait son style, peaufine sa signature. Mélissa Aabaid entend faire réfléchir avec une parole « sensible et humaine ». La juriste met la lumière sur les inégalités dans le monde, les douleurs du globe. Imprégnée de ses expériences en cabinet d’avocat, elle parsème ses interventions des sacro-saintes libertés fondamentales. Celles-ci même qui conditionnent le vivre-ensemble.

Puis vient la conférence Mille et une nuances d’éloquence qu’elle met sur pied avec le concours de Vanessa Monteillet, directrice du département droit-économie-gestion de l’Université de Nîmes. Mélissa Aabaid, également conseillère municipale de Saint-Mamert-du-Gard, entend démocratiser l’art oratoire, transmettre sa passion aux plus jeunes. Formuler sa pensée avec justesse, n’est-il pas le premier pas vers l’autre ? L’amphithéâtre est comble, le succès est au rendez-vous et appelle à une deuxième édition. Impossible ne figurant pas dans son lexique, Mélissa Aabaid a concrétisé une autre idée qui germait en elle : la création d’un diplôme dédié. « Guilhem Bartolotti, co-directeur de la formation et maître de conférence s’est pris au jeu avec les intervenants de ce diplôme« , remercie l’intéressée. Au programme donc, 60 heures de formation et 7 intervenants, dont 10 heures assurées par Mélissa Aabaid. Structuration du discours, histoire de la rhétorique, « poetry »… « C’est l’art de promouvoir le discours dans notre société actuelle, via les réseaux sociaux par exemple », détaille la juriste qui fourmille de projets à venir…