Elle est mère de trois enfants, agent SCNF et conseillère municipale dans la majorité de Palavas-les-Flots. Marine Gatineau-Duprè est inépuisable, cumule plusieurs casquettes jusqu’à avoir l’oreille de sénateurs pour faire évoluer la législation de la famille et de la filiation, inadaptée aux réalités sociétales. Souvenez-vous, la loi permettant de changer son nom de famille, c’est elle qui en est à l’origine. Avec son premier collectif « Porte mon nom », elle remporte son premier combat en 2022 après deux ans d’acharnement. Cette loi utilisée par 200 000 Français et rapportée par le député Renaissance d’alors, Patrick Vignal, permet en effet de changer son nom de famille, dans le cas par exemple d’un viol du père sur son enfant. Les témoignages qui ont afflué sont abominables, justifiant la nécessité impérieuse de cette loi. « Si vous saviez ce qu’on a pu lire », nous souffle Marine Gatineau-Duprè.
Enfermés dans un placard, violés, brûlés…
A la suite de cette première victoire, d’autres sollicitations sont parvenues à l’oreille du collectif. Pourquoi être contraint de payer une aide alimentaire à un parent jugé défaillant par l’enfant ? « Cette loi se nomme obligation alimentaire mais englobe le paiement de l’Ehpad, les vêtements, les soins, etc. », liste notre interlocutrice. Dans un tableau Excel surnommé « le tableau de l’horreur », Marine nous expose quelque 70 témoignages, parmi lesquels des propos glaçant le sang. Des enfants enfermés dans un placard par un parent, plongés dans l’eau brûlante du bain, laissés sans nourriture pendant des jours, abandonnés au milieu de la route et « énormément de cas d’inceste avec des parents détenant des images pédopornographiques ». Une femme de 71 ans, violée toute son enfance par son père, doit lui payer l’Ehpad et faire face, dans le même temps, à la maladie de Charcot de son propre fils. « Elle menace de se suicider », soupire Marine d’un ton grave.
« Elle menace de se suicider »
Une femme se retrouve à payer 800 euros par mois pour maintenir sa maman à l’Ehpad, alors que cette dernière a failli à ses engagements parentaux. « En moyenne, c’est 2 300 euros mensuel pour un Ehpad public, tout le monde n’a pas les moyens. Cela nourrit les injustices et les querelles au sein d’une famille, entre les enfants qui doivent participer proportionnellement à leur revenu. C’est pire quand l’enfant est unique et qu’il doit supporter le coût seul« , expose l’élue héraultaise. En cas de non paiement, l’Ehpad informe le Département ou le CCAS (centre communal d’action sociale), ces derniers se retournent alors vers les enfants afin de réclamer une prise en charge.
« Remuer le couteau dans la plaie »
D’autant que l’espérance de vie s’allonge, des enfants se retrouvent à l’âge de 50 ans à devoir subvenir pendant des années aux besoins de leurs parents défaillants qui en ont 80. « Eux-mêmes ont des maladies, ils doivent s’occuper de leur propres enfants. Chaque mois, cette obligation vient remuer le couteau dans la plaie et rappeler au souvenir de leur bourreau », narre Marine Gatineau-Dupré. Une autre obligation porte sur les frais d’obsèques. « Un enfant a dû débourser 10 000 euros pour son parent défaillant, il s’est retrouvé dans une situation financière très grave », poursuit Marine qui souligne que beaucoup de parents ne prévoient pas leur fin de vie, laissant la tâche à la progéniture.
Une désolidarisation totale
La loi permet de saisir le JAF, Juge aux affaires familiales, lorsque l’on est soumis à l’obligation alimentaire, afin de prouver la défaillance des parents. « 20, 30 ans après un acte d’inceste, c’est difficilement prouvable. Sur les 20% d’enfant qui portent plainte, on note seulement 1% de condamnations du parent », regrette Marine.
Sans justification
A l’époque du changement de nom, Marine est soutenue par l’ancien Garde des sceaux, Éric Dupond-Moretti et l’ancienne député héraultaise, Patricia Mirallès. Avec Alicia Ambroise, Marine a fondé le collectif les « Liens en sang » qui compte 21 membres, sans les professionnels (psychologue, médecin, directeur d’Ehpad, ostéopathe, etc.). « La loi que nous formulons propose que les adultes entre 18 et 30 ans puissent aller chez un notaire et remplir un formulaire Cerfa de désolidarisation totale, sans avoir à motiver leur demande », explique Marine. Le parent recoit par la suite un courrier d’huissier. A lui de saisir le JAF et de prouver qu’il a été un parent « bienveillant ». La charge de la preuve est ainsi renversée.
Niche parlementaire le 6 avril prochain
L’article 3 de ladite proposition de loi stipule que les enfants se désolidarisant renoncent à leur héritage. « Ils n’en veulent pas de toute façon, ils ne veulent plus entendre parler de leur parent », note Marine. Le sénateur Renaissance Xavier Iacovelli s’est ému de cette proposition de loi, concerné par la défense de l’enfant. Il l’a ainsi écrite, la loi est déposée auprès des juristes. Elle sera amendée par la suite afin que chaque famille politique puisse s’en saisir. Les auditions auront lieu tout le mois de mars avant la niche parlementaire du 6 avril prochain, « si tout se passe bien », espère Marine Gatineau-Dupré de tout cœur. En savoir plus, cliquez ici.