Shaka Ponk, s’est produit le vendredi 14 juin dernier aux Arènes de Nîmes. Une dernière danse au sein de l’amphithéâtre romain pour le groupe et l’occasion pour Frah, chanteur du collectif, de revenir sur ce passage, ses controverses, ses combats et le futur de Shaka Ponk.
Vendredi 14 juin dernier, vous vous êtes produits dans les Arènes de Nîmes, comment avez-vous vécu ce concert ?
Super ! Comme les dernières fois, à chaque fois le public est génial. Les gens sont tops à Nîmes, j’ai passé quelques moments à Nîmes, hors Shaka, et il y a une bonne vibe. En l’occurrence, pour ce dernier concert, il y avait une super énergie en face.
Pourtant votre présence pour ce concert était assez controversée et conflictuelle, notamment vis-à-vis de la Ville de Nîmes. Pouvez-vous nous parler des circonstances dans lesquelles vous vous êtes produits ?
Nous, nous sommes toujours d’accord de nous produire à Nîmes, car cela nous permet aussi de faire passer nos messages, c’est-à-dire arrêter cette abomination qu’est la corrida. Donc oui, nous y allons, mais à condition de pouvoir faire passer nos messages avant, après et pendant le concert, sans être agressif. Donc ça, c’est souvent accepté par la direction du festival, sinon elle dirait : « non je ne veux pas que Shaka vienne ». Pour eux, c’est rentable d’accepter que nous venions contre un petit « anti-corrida ». Mais cette année, ils ne s’attendaient pas à ce qu’on le dise autant.
J’ai sorti une vidéo quelques semaines avant, afin de justifier notre venue à Nîmes et d’affirmer de manière claire et franche, notre position anti-corrida pour ne pas qu’il y ait de malentendu. Mais cette vidéo n’a pas trop plu aux pros corrida, élus comme citoyens, elle a été perçue comme une attaque auprès des gens qui nous invitent. Donc, la tension est montée les semaines avant le concert et le jour-même, mais tout est resté très cordial.
Par rapport à cette vidéo, avez-vous subi plus de pression que d’habitude, de la part de la Ville ou d’élus, pour que vous ne parliez pas davantage du sujet ?
Alors oui, plus de pression que d’habitude, car la dernière fois, nos messages n’avaient pas été autant relayés. Forcément, les pros corrida ont exercé une pression pour qu’il y ait le moins de messages possibles et que nous soyons le plus soft possible dans nos propos et dans nos actions. Là où je les rejoins un peu, c’est que quand tu es dans un endroit où il y a 9000 personnes qui se regroupent, ce n’est pas le lieu ni le moment pour que tout le monde s’énerve et aussi créer des désaccords violents. Mais ce n’était pas prévu que l’on le fasse le jour même. Par contre notre venue était l’occasion de faire venir des associations de protection animale et des journalistes pour qu’ils puissent filmer et échanger avec les gens et faire passer un message en remettant sur la table ce sujet, de manière subtile.
Justement, ce message, vous l’avez fait passer durant le concert en prenant la parole. Était-ce important pour le groupe de faire passer ces messages dans les Arènes de Nîmes, avec la symbolique que cela représente ?
Absolument. Alors, il faut savoir que nous sommes un groupe et qu’au sein d’un groupe nous n’avons pas exactement tous les mêmes idées, mais avec Samaha, la chanteuse, nous partageons un profond désir que les choses changent et évoluent socialement et écologiquement. Ce sont des messages que nous faisons passer lors des concerts, sans que cela soit trop pompeux. Donc, lorsque nous nous rendons dans des lieux, comme les Arènes de Nîmes, nous voulons faire passer des messages écologiques et dire à quel point la Région et le territoire sont beaux et qu’il faut les préserver mais aussi c’est l’un des rares endroits en France où il y a encore cette tradition et barbarie qui poussent le curseur de l’absurde à son paroxysme. C’est une raison de plus pour qu’à cet endroit nous ciblions nos messages sur la corrida et sur l’abolition de cette pratique. Il fallait que ce message soit dit ce jour-là.
Ce concert et les prochains sont les derniers que vous faites ensemble, puisque vous avez annoncé que vous alliez vous séparer, mais aussi que vous devez réinventer votre activité. Pouvez-vous m’en dire plus quant à cette déclaration ?
Pour le cas Shaka Ponk, nous nous sommes rendu compte, en travaillant avec des ONG et des associations qui travaillent sur l’écologie que, quoi que l’on mette en place pour faire une tournée éco-responsable, Shaka Ponk est une énorme machine qui déplace entre 500 000 et un million de personnes et ça, ce n’est plus possible. Le déplacement des spectateurs est le truc le plus dégueulasse pour l’environnement. Par conséquent, nous nous sommes dit « il faut que l’on arrête de faire des tournées, mais si on ne fait plus de tournées, il reste quoi de Shaka, qui s’est construit et a fait sa renommée autour de gros événements scénographiques ? » Nous ne voulons pas le rétrograder et faire un mini Shaka qui s’adapte à l’inaction politique et à la sur-action industrielle. Alors, on laisse Shaka là où il est et on arrête de faire des tournées.
De ce fait, comment réinventer tout ça ? C’est encore un long débat qui est en cours, mais pas que chez nous, chez des producteurs, organismes, des artistes qui se demandent comment faire pour que leurs activités ne soient pas en décalage total par rapport à l’urgence climatique. Il n’y a pas 36 solutions, il faut tout rétrograder, notamment la manière dont on fait des concerts.
Alors, est-ce réellement la fin définitive de Shaka Ponk, ou seulement la fin de la version actuelle de Shaka Ponk ?
Cela va être concrètement la fin de Shaka Ponk. Nous sommes un groupe de live et nous ne voulons pas le rétrograder. Donc, si nous continuons à faire de la musique ensemble, ce que nous avons très envie de faire, cela sera un autre groupe. Nous laisserons Shaka Ponk là où il était, il a fait son petit chemin.
En parlant de vos projets futurs, est-ce qu’au-delà de la musique avec Shaka, vous avez d’autres projets, notamment avec des associations ?
Pour les projets concrets, cela va être de dégager plus de temps pour faire tout ce dont nous venons de parler, travailler avec des associations, des artistes, des salles, des producteurs pour faire changer les choses. Également, aider à des actions sur le terrain, que ce soit avec Extinction Rebellion, Green Peace, Sea Sheperd. De plus, nous voulons essayer de nous servir de notre « fan base » pour être plus actif sur le message écologique et sur celui de la souffrance animale. Tout cela est prévu.
Néanmoins, musicalement parlant, je ne sais pas encore. Nous sommes tellement en train de kiffer les derniers moments de Shaka Ponk que nous avons encore un peu de mal à nous dire « qu’est ce que l’on fait après ? ». Par exemple, ce que nous avons vécu à Nîmes, ce sont des choses qui sont intenses, qui sont importantes et qui nous font du bien. Pour l’instant c’est encore un peu flou sur ce que nous allons faire musicalement.
En parlant du sujet musical, vous avez quatre concerts prévus à l’Accor Arena de Paris, les 27,28,29 et 30 novembre prochains. Est-ce que le public peut s’attendre à des surprises ou d’autres choses grandioses ?
Nous n’avons pas encore concrétisé des idées pour faire un grand bouquet final, mais ils seront spéciaux quoi qu’il arrive. Même si nous y allons seulement avec une guitare sèche pour chanter, cela sera spécial. Je pense que quoi que nous y fassions, il y aura quelque chose qui se passera à ce moment, qui sera unique, du moins pour nous. Il y aura un échange, un partage avec les gens qui sera riche en émotion et rien que ça, cela permettra de rendre ces derniers shows spectaculaires.
Pour finir, si on s’intéresse à votre parcours, Shaka Ponk, c’est 22 ans de carrière, plus de 1,5 million d’albums vendus. Est-ce qu’à vos débuts, vous pensiez que Shaka Ponk allait devenir le phénomène que tout le monde connaît aujourd’hui ?
Tellement pas ! Alors non seulement, nous n’y pensions même pas mais ce n’est pas la raison pour laquelle nous l’avons fait. Shaka Ponk c’était un groupe de potes qui se disaient « les gens sont fous, l’humanité est totalement hors de contrôle, on se fait un petit projet artistique avec un singe qui va raconter des trucs à l’homme et voilà ». Nous n’aurions jamais imaginé que ca marcherait autant, c’est impossible. Tout d’abord, c’est du rock, c’était une espèce de mélange entre français, anglais, espagnol, un peu en espéranto car c’était un animal qui racontait à l’homme, donc il devait se débrouiller avec ce qu’il connaissait. C’était un peu farfelu et cela ne rentrait dans aucune case d’aucun producteur et d’aucune maison de disque. C’était voué à rester un truc entre potes.
Tous les mecs que nous avions vu en France, avant d’aller à Berlin, nous disaient « ça marchera jamais ». Mais à notre retour de Berlin cela a commencé à prendre et d’un seul coup ça a explosé mais surtout grâce à un mec, Vincent Frèrebeau, d’une maison de disque qui était le seul à nous avoir dit « Changez rien, faites ce que vous aimez et moi je me charge de vous faire connaître ». Ce mec-là, a fait la passerelle entre ce que nous faisions « d’invendable » jusqu’au public et jusqu’aux radios et cela a pris, ça a marché.