Le ministre de la Justice s’est prêté à un exercice de questions réponses avec les citoyens à Mudaison. Un oral calibré avec des questions préparées en amont et aucune prise de parole accordée à la presse.
Une foule inhabituelle et un cordon de sécurité attisent la curiosité des passants dans la petite commune héraultaise de Mudaison, vendredi 15 mars. Et pour cause, sur invitation du député de la majorité Patrick Vignal, le garde des Sceaux, autrement surnommé Acquittator en référence au nombre vertigineux de ses acquittements, a répondu aux questions des citoyens pendant deux heures. A ses côtés, Juan Ortega, édile de la commune, et le préfet de l’Hérault étaient naturellement présents. Des questions soigneusement sélectionnées et compilées sur une liste dont le ministre a pu prendre connaissance au préalable. Le garde des Sceaux n’a, par ailleurs, pas daigné répondre à nos questions à la fin de son oral. Ni a aucun média présent.
« Mudaison en latin, cela provient du mot ‘le relais’, j’espère que vous serez le relais de nos inquiétudes aujourd’hui », lui lance un citoyen. L’exercice est quelque peu inédit. Une séance de QAG (Questions au Gouvernement) est simulée dans la salle la Cave de Mudaison. Une vingtaine de questions balaient un spectre assez large : violences faites aux femmes, délit des mineurs, sanctions envers les squatteurs, lenteur de la justice, surpopulation carcérale… De son timbre vibrant et de son verbe haut, le garde des Sceaux est comme un poisson dans l’eau. Entre deux gorgées d’eau, le voilà égrenant les mesures prises depuis le début du quinquennat et les 10.000 policiers et gendarmes recrutés sous l’ère Macron.
Une justice laxiste ?
Un homme ouvre le bal et plonge l’audience dans une tristesse compatissante. Il narre alors l’histoire de son fils, encore sujet aujourd’hui au choc post-traumatique après son agression par deux mineurs, pour une malheureuse casquette. « Un opinel peut s’acheter chez un buraliste pour 10 euros, il faut réviser la justice pour mineur », intime-t-il. Le garde des Sceaux partage le désarroi avant de lui répondre : « Il est très difficile, voire impossible, d’interdire l’achat de produits aussi courants qu’une barre de fer ou un opinel ». Et de rappeler que l’ordonnance 45-174 de 1945, relative à l’enfance délinquante, a été reformée, permettant de « juger les mineurs sur des délais plus courts ». Le ministre en est convaincu, il faut en finir avec le narratif de la « justice supposément laxiste ». « Ceux qui disent que la justice est laxiste le font à des fins politiciennes », juge-t-il.
Des matelas posés au sol en prison
Un autre citoyen s’empare du micro pour partager un constat : « Les français ont l’impression qu’il y a une dichotomie entre ministères de la Justice et de l’Intérieur. Comment faire pour fonctionner main dans la main ? » Un sentiment « pas du tout partagé » par le ministre qui rappelle au bon vouloir être le 1er garde des Sceaux à s’être rendu Place Beauvau pour rencontrer les syndicats. « On a dit que j’allait être coupé en rondelles, je suis encore là aujourd’hui ». Le même qui éructe lorsqu’il entend que la « justice est le problème de la police ». Il persiste et signe : « C’est même la première fois dans le 5e République qu’une telle entente existe entre deux ministères régaliens ». Place à la surpopulation carcérale. Une dame s’enquiert des matelas vulgairement posés au sol des prisons françaises, faute de lit disponible. La prison de Nîmes n’est pas en reste puisqu’elle trône dans le top 3 des prisons les plus peuplées de France. Des matelas qui inspirent une réponse tranchée : « C’est parfaitement indigne dans notre grande démocratie ». Voilà le ministre égrainant des chiffres clés : « Un plan de construction a été lancé pour 15.000 places supplémentaires, j’ai inauguré la moitié des établissements que l’on veut construire ». Et de citer les mesures permettant de diminuer le nombre de détenus tel que le bracelet électronique.
Comment expulser plus rapidement un squatteur ?
Quant aux violences sexuelles sur mineurs, comment mieux renforcer la prise en charge ? Le garde des Sceaux aussitôt : « Nous avons mieux formé les forces de sécurité et les magistrats pour recueillir la parole de l’enfant ». Le même loue un dispositif existant dans chaque département, permettant de prendre en charge médicalement l’enfant dans un hôpital et d’enregistrer sa déposition dans le même lieu. Des chiens d’assistance judiciaires permettent également selon le ministre de « faciliter la parole de l’enfant, ce sont des doudous vivants ». Comment expulser plus rapidement les squatteurs ? « Beaucoup de propriétaires hésitent à mettre leur bien à la location », s’inquiète une citoyenne. « D’ici à 2027, nous avons le souhait de diviser les délais de justice par deux », rassure le ministre. Ce dernier évoque plusieurs leviers, davantage de magistrats (1500 ont été recrutés selon lui), de contractuels et de greffiers formés, mais également la numérisation de la justice. Et de citer la procédure ARA (Audience de règlement amiable), un mode amiable de résolution des différends qui peut être mis en place au cours de certaines procédures judiciaires. « Il dure quatre mois au lieu de quatre ans, c’est un delta considérable », conclut le ministre.