Frédéric Saccoman est directeur de la cave coopérative Héraclès située à Codognan. En sortie de vendanges, il nous confie son impression globale et livre ses projections pour la filière.
InfOccitanie : Que représente la cave Héraclès en quelques chiffres ?
Frédéric Saccoman : la cavé est née en 1939, elle compte 1 250 hectares, 13 salariés et évolue aux côtés de 70 coopérateurs. Notre business model repose à plus de 99% sur la vente de vins en vrac à des négociants. La récolte normale est de 100 000 hectolitres par an, pour des vins de quatre couleurs : blanc à 40%, rosé à 30%, rouge à 29% et orange à 1%. Notre chiffre d’affaires oscille entre 10 et 13M€ directement corrélés au volume récolté. En 2021, par exemple, nous récoltions 53 000 hectolitres en raison du gel de printemps, avec un chiffre d’affaires impacté de 40%.
Héraclès produit du vin sans sulfites, pourriez-vous nous en dire plus ?
Le soufre est un additif qui protège le vin de l’oxydation, c’est aussi un antiseptique. Notre challenge est de travailler sans sulfites pour conserver la meilleure expression aromatique du vin pendant sa fabrication. L’idée est d’être le moins interventionniste possible. Cela nécessite d’avoir un vignoble et un vigneron ultra-compétents mais aussi un outil technique à la pointe. Le marché est très captif et nous travaillons notamment avec le plus important metteur en marché sur ce genre de produits: Gérard Bertrand.
Que constatez-vous en matière d’évolution de la consommation ?
Plus personne ne boit la même bouteille du premier janvier au 31 décembre, la fidélité à la marque n’existe plus. Il y a 30 ans, le vin bu à table restait le même tout au long de l’année. Aujourd’hui, on tend à opposer excès et abstinence. Or, la consommation plaisir existe entre les deux, cela fait partie d’un art de vivre. J’entends évidemment les difficultés de l’alcoolisme, mais on va un peu vite en besogne en oubliant le plaisir de l’accord met-vin, un des piliers du « French Paradox », objet de nombreux sujets de thèses. Par ailleurs, le vin s’est premiumisé, il faut donc se réinventer en permanence, en gardant à l’esprit que malgré tout, la vigne, on la plante pour 25 ans donc les changements profonds de tendance ne sont pas simples à réaliser…
Quel bilan des vendanges ?
Nous enregistrons entre 20 et 25% de perte de volume récolté cette année. Il y a eu beaucoup de pluie entre mars et juin, notamment pendant la floraison des vignes. En plus, nous partions dans le sud Gard d’un nombre de fleurs par pied de vigne moindre (chaque fleur devenant une grappe, ndlr). Forcément, avec l’accumulation des deux phénomènes, cela se traduit par une baisse conséquente de la production
Comment luttez-vous contre les champignons en étant bio ?
Nous respectons un cahier des charges européen très rigoureux, interdisant tout produit d’origine chimique. Nous faisons face à deux maladies : le mildiou et l’oïdium, des champignons qui nous embêtent de mars à fin juin. Ils s’attaquent aux feuilles et ensuite aux fruits. Dans le bio, deux matières sont autorisées pour lutter, le cuivre et le soufre contenus dans des formules utilisées par tout le monde dans son potager, comme la bouillie bordelaise que l’on applique sur la surface de la feuille.
Quel impact du réchauffement climatique constatez-vous sur vos vignes ?
Le développement de maladies tel que le vers de grappe, un papillon qui pond dans les grappes et peut détruire une récolte en sept jours. En conventionnel, ils ont des insecticides, en bio ça n’existe pas. Nous utilisons la confusion sexuelle, des capsules de phéromones entravant la reproduction. Un agriculteur bio, de par l’absence de solution issue de l’univers de la chimie, doit être un super jardinier, pour anticiper l’apparition future d’un contexte favorable à la maladie de la vigne. A ceci s’ajoute la difficulté de l’accès à l’eau : l’agriculture nécessite des pluies suffisantes bien réparties dans la saison. Or, nous constatons depuis plusieurs années des périodes extrêmes : sécheresses gravissimes ou pluies destructrices (épisodes méditerranéens).
Le président de la FDSEA Gard tirait la sonnette d’alarme dans nos colonnes. L’Etat est-il au rendez-vous de l’urgence de la viticulture ?
150M€ d’aides devaient émaner de l’Etat, 250M€ de l’Europe. Toutes les promesses de janvier dernier ne se sont pas réalisées. L’Etat vient seulement de commencer à allouer les 150M€, mais l’Europe n’a pas commencé à passer un jalon sur les promesses. Entre temps, la crise s’est aggravée.
Le sénateur Denis Bouad prône l’arrache des vignes sous conditions (notre article). Quel regard portez-vous sur ce dispositif ?
Il faut un dispositif d’arrachage qui permet au vigneron à bout de sortir dignement de son métier. L’arrachage social chez le vigneron qui n’a pas accès à l’eau, un vignoble vieillissant, sans repreneur, peut se comprendre. Mais le risque est de perdre notre capacité de commercialisation , car d’autres prendront notre place dans les rayons. Une fois que vous sortez des rayons des magasins, il est très difficile de reprendre sa place, sauf à coup d’investissements commerciaux massifs.
Quelles sont les autres difficultés des vignerons selon vous ?
Il faudrait que les vignerons soient accompagnés dans la commercialisation, plus que sur un plan de réduction de production ou de distillation de crise. La planète vin n’est pas en sous consommation, seulement peut être notre vieille Europe. Charge à nous d’aller trouver ces nouveaux marchés lointains avec des profils vins adaptés. Autre difficulté, les règlements administratifs à la limite de l’ubuesque. Je pense aux petites structures qui ne sont pas dotées pour y répondre. Ce fameux choc de simplification…
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