Quelles espèces de moustiques l’EID cible-t-elle ?
Nous ciblons principalement deux espèces du genre Aedes : Aedes caspius et Aedes detritus. La première est plutôt active l’été, la seconde en hiver. Le moustique des marais se développe dans des zones à submersion temporaire situées sur le pourtour des étangs, et non directement dans les étangs eux-mêmes. Les moustiques pondent sur sol sec, et dès que ce sol est inondé, les œufs éclosent.
Deux autres espèces que nous ciblons sont tout d’abord le Culex qui est un moustique très cosmopolite. Il s’est bien adapté à la ville, il pond dans tous types de récipients d’eau stagnante, dans les vides sanitaires, les réseaux d’eaux pluviales, etc. Le second est le moustique tigre, pour lequel nous n’avons pas de financement propre, car nous n’avons pas été créés pour cela. Il est arrivé il y a une vingtaine d’années dans le Languedoc. Il est présent seulement en milieu urbain. Le moustique tigre pond dans tous les petits contenants d’eau stagnante, comme des coupelles, pneus, pots de fleurs… Ce sont souvent les particuliers qui, involontairement, élèvent leurs propres moustiques.
Quelles sont vos différentes méthodes d’intervention ?
Pour les moustiques des marais, nous intervenons exclusivement au stade larvaire, car il est plus facile de localiser les larves grâce à nos répartis dans des bases sur tout le littoral. Quand ils trouvent des larves, nous traitons les zones avec un produit larvicide à base de BTI, une bactérie qui produit une toxine très sélective qui va tuer les larves de diptères. Nous avons un impact très limité sur la faune non cible. Les larves vont ingérer ces toxines et mourir. La majorité des traitements se fait par moyens aériens (hélicoptères, avions), mais une partie, entre 20 et 30%, est réalisée par voie terrestre avec des quads, pick-up, etc. [4970 hectares traités en 2025, en Occitanie, dont 52 % par avion et hélicoptère, ndlr] Nous n’utilisons pas de produits adulticides, pour tuer les moustiques adultes, car il n’y a pas de produits sélectif. On peut l’utiliser dans des cas très spécifiques et exceptionnels, à la demande des élus, notamment lors de pics de nuisance dans des zones touristiques, au Grau-du-Roi ou en Camargue. Ces traitements adulticides se font uniquement en milieu urbain, jamais en pleine nature. Nous n’intervenons pas en Grande Camargue, uniquement en Petite Camargue, jusqu’au Petit Rhône. Cela permet notamment de conserver une zone sans pression de sélection liée aux insecticides, pour éviter le développement de résistances.
Et pour les moustiques tigres, comment l’EID procède ?
Pour le moustique tigre, notre action est principalement centrée autour de la communication et de la lutte communautaire. Nous éduquons la population. Les actions passent par du porte à porte, des réunions publiques et expliquer aux gens que c’est eux qui élèvent le moustiques chez eux. Ce n’est pas la peine d’avoir recours à des produits adulticides ou à des pièges qui sont coûteux et parfois peu efficaces. Le maître mot est : « ne développez pas vos propres moustiques ».Nous expliquons d’abord aux particuliers où se développe le moustique, donc dans de petits contenants avec de l’eau stagnante. Les gens pensent parfois à tort que c’est le compost ou la pelouse humide, mais le moustique tigre ne pond pas dans la terre. On les aide à identifier les gîtes larvaires. Il faut donc retourner les objets, couvrir les réserves d’eau avec des moustiquaires bien étanches. Il n’est même pas nécessaire d’utiliser des insecticides.
Une fois que le moustique est sorti de l’eau, c’est un peu trop tard, à l’image du moustique des marais. A Montpellier, le pire ce sont les réservoirs d’eau de pluie. Aucun n’est étanche donc le moustique rentre et sort à sa guise. Cela représente des milliers de larves dans quelques mètres cubes d’eau. Personne n’a encore réussi à trouver un moyen très efficace pour lutter contre la prolifération du moustique tigre. Ici, au labo, nous travaillons avec des chercheurs pour essayer des choses, que ce soient le piégeage ou l’autodissémination.
Ces moustiques tigres peuvent être vecteurs de maladies également ?
Oui, contrairement au moustique de chez nous le moustique tigre est vecteur de maladies, comme la dengue, le chikungunya et le zika. A ce propos, en 2019, la loi a changé par rapport à la gouvernance de la lutte anti vectorielle. Maintenant, l’Etat a repris la main sur cette lutte. Donc aujourd’hui c’est l’Agence Régionale de Santé (ARS) qui a la main dessus et qui choisit son opérateur. L’ARS est donc chargée de surveiller les cas humains importés car pour qu’il y ait une circulation en métropole il faut forcément que ce soit un voyageur qui ramène le virus, car chez nous, en zone tempérée, le moustique hiberne et donc la transmission s’arrête et repart à zéro chaque année. Donc, lorsqu’un cas est détecté, elle prévient un opérateur mandaté qui organise une enquête entomologique et éventuellement un traitement adulticide ciblé autour du lieu de résidence du patient. L’EID est l’opérateur pour la Région PACA et non pour l’Occitanie.
Mais, puisque le moustique a envahi depuis quelques années de plus en plus de communes en France, on observe des petits foyers de dengue, principalement, que l’on appelle cas autochtones, c’est-à-dire des personnes contaminées sans avoir voyagé.
Est-ce qu’à l’avenir il y a des solutions viables pour lutter contre la prolifération de ces moustiques ?
Alors, une start-up à Montpellier travaille sur la technique de l’insecte stérile. Cela consiste à élever en masse des moustiques tigres en labo. On sépare les mâles des femelles, on stérilise les mâles avec des rayons gamma ou X qui vont stériliser les moustiques. Puis on les relâche en grande quantité. Ils fécondent les femelles avec du sperme non viable. Et comme la femelle ne se féconde qu’une seule fois, tous les œufs pondus ne vont jamais éclore. C’est une technique qui a très bien marché sur d’autres insectes. Mais il faut que les communes achètent les moustiques stériles, mais ça coûte encore cher. Sur le papier cette solution paraît être la plus viable à l’avenir.
Pour terminer, comment la population peut-elle faire appel à vous ?
Les habitants peuvent nous contacter via notre site internet ou notre numéro dédié ( 04 67 63 67 63), afin de faire une demande d’intervention. En fonction de leur situation, soit on les aiguille par téléphone ou peut éventuellement se déplacer si nous comprenons qu’il s’agit de cas de moustiques tigres. Il faut bien comprendre que les interventions ne sont pas systématiques et que nous n’allons pas nous déplacer pour faire de l’adulticide autour de chez eux. Les produits adulticides sont généralement utilisés quand une commune le demande et généralement c’est pour des cas de moustiques des marais, bien plus nombreux et nuisants dans certaines zones.