Montpellier : « Pas une seule médiathèque dans un quartier de 25 000 habitants ! », Soufyan Heutte

Soufyan Heutte, militant pour plus de justice sociale, auteur de trois romans, de pièces de théâtre, d'ateliers d'écriture à la Mosson, nous partage ses frustrations et sa vision d'un Montpellier plus réjouissant...
© Linda Mansouri / infOccitanie. Soufyan Heutte. .
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InfOccitanie : Vous êtes profondément attaché à la Paillade, « votre terre » où vous avez vécu toute votre jeunesse. Quel est votre métier aujourd’hui ?

Soufyan Heutte : Je suis fonctionnaire d’Etat à Montpellier, éducateur de jeunes en situation de délinquance. Nous accueillons dans notre foyer au quartier Celleneuve une douzaine de jeunes issue de toute la France, placée par décision de justice. Ce sont souvent des récidivistes, englués dans le trafic de stupéfiants.

InfOccitanie : Pourquoi ont-ils dévié du circuit ?

Soufyan Heutte : La délinquance a toujours existé, elle est seulement beaucoup plus judiciarisée aujourd’hui. La fracture sociale y joue pour beaucoup, la déconnexion entre les plus riches et les plus pauvres n’a jamais été aussi abyssale. Remettons les pendules à l’heure, pour tous les jeunes que j’accompagne à se réinsérer, je n’ai jamais eu à faire à des parents qui « profitent » de l’argent du trafic. Au contraire, les parents sont complètement impuissants, ne savent plus vers qui se tourner. Puis il y a la santé mentale, très préoccupante dans notre société.

InfOccitanie : Vous dénoncez également les carences de l’Education nationale…

Soufyan Heutte : Et comment ! Plus de 30 élèves par classe, des enseignants complètements démotivés, précarisés, tant la profession est dévalorisée. Sans compter le bâti, les conditions délabrées dans lesquelles beaucoup de jeunes apprennent. Beaucoup d’amis ont quitté l’Education nationale, et pour cause… Un autre facteur selon moi contribue à un terreau de délinquance : les difficultés sociales liées au foyer, les mamans seules très nombreuses à élever leurs enfants, les parents issus de l’immigration sans capital culturel, ni réseau, et un français fragile… Une fracture se crée, des lacunes apparaissent chez l’enfant et ne sont jamais rectifiées. Mettre fin au déterminisme social et à la reproduction sociale nécessite des moyens publics beaucoup plus massifs, l’Etat n’est pas au rendez-vous. Cela passe par la mixité sociale, la forte densité au mètre carré de personnes issues de la même catégorie sociale n’a jamais été une bonne chose.

InfOccitanie : Vous pensez notamment aux tours de la Paillade ?

Soufyan Heutte : Oui, des immeubles construits rapidement pour loger une catégorie moyenne en premier lieu, puis progressivement la main d’oeuvre nécessaire venue d’Afrique du Nord, peu ou pas qualifiée, qui est restée ici. Sauf que les bâtiments ont été construits rapidement, avec des normes peu exigeantes. Pour autant, beaucoup sont fiers d’y vivre. Je suis très ancré à la Paillade, j’ai embrassé cet héritage qui contribue à mon identité. La Paillade regorge d’enfants, c’est un vivier de la jeunesse, mais malheureusement délaissé par les pouvoirs publics.

InfOccitanie : Plus de 500 millions d’euros dédiés à la rénovation urbaine à la Mosson, une enveloppe non suffisante ?

Soufyan Heutte : Ce n’est pas de la charité ! Ils viennent réparer quelque chose qui a mal été pensée et construite. Un NPRU qui a débuté sous Saurel, rappelons-le, qui n’est pas décidé avec les habitants mais accommodé avec eux, comprenez-vous la nuance ? L’école Hypatie inaugurée en grande pompe ? Une école usine, conçue sans consulter les habitants. J’étais partisan de plusieurs petites écoles au lieu de celle-ci qui va regrouper un grand nombre et entrainer selon moi des problèmes structurels à terme. Quant à la fermeture de l’Avenue de l’Europe, cela a été un carnage, malgré notre combat sans relâche. Pour aller à Juvignac il faut traverser tout le quartier, trois écoles et vivre les bouchons. Encore une décision non concertée. Des exemples, il y en a tellement…

InfOccitanie : Vous êtes très sensibilisé à la culture et aux arts, et très critique à ce sujet aussi…

Soufyan Heutte : C’est simple, il n’y a pas une seule médiathèque dans un quartier d’environ 25 000 habitants, est-ce normal ? A Pierresvives, les enfants ne peuvent pas emprunter des livres, pour en prendre pour mes enfants, il me faut aller en ville ! Le Théâtre Jean Vilar ne propose pas de programmation qui puisse parler aux Pailladins, leur donner le goût, ouvrir leurs horizons. Les propositions trop esthétiques et alambiquées ne conviennent pas à des personnes trop éloignées du théâtre. Montpellier devrait prendre exemple sur Sète qui a une vraie considération pour les quartiers populaires.

InfOccitanie : Transfert de la clinique privée Clémentville à la Mosson abandonné, une victoire ?

Soufyan Heutte : Encore une fois, la baronnie socialiste au pouvoir, qui estime que la Ville lui appartient, pense seule, sans concertation avec 90% des habitants qui ont refusé cette clinique surdimensionnée. Les Pailladins demandent de longue date un pôle public de santé, avec une annexe des urgences au-dessus. Combien ont coûté les travaux pour accueillir cette clinique ? Pourquoi s’être autant précipité pour les faire, d’ailleurs ? Pour mettre les habitants face au fait accompli ? Je pense qu’on mérite plus de transparence sur les appels d’offre, les liens qui peuvent exister entre la Ville, la Métropole, et les acteurs du BTP et de l’immobilier par exemple. Avec Cause commune (mouvement politique pour les municipales de 2026 à Montpellier, ndlr), dont je suis l’un des porte-paroles, nous allons lancer plusieurs concertations en matière de santé et d’autres problématiques liées à nos territoires. Une première enquête de terrain a débuté aujourd’hui, l’accueil a été superbe. Il faut que les choses changent.

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