« La campagne électorale commencera le 15 janvier, vous m’emmerdez, avant on bosse ! », s’emporte l’insoumis René Revol, vice-président en charge des déchets qui regrette beaucoup de charges empreintes d’électoralisme. 84 délibérations à l’ordre du jour du conseil de Montpellier Métropole ce mercredi 16 juillet, avec deux points d’orgue : le vote du PLUi et la nouvelle DSP, délégation de service public de l’usine Amétyst de traitement de déchets.
Les salariés inquiets
Devant l’hôtel de la Métropole, les syndicalistes CGT Suez de l’usine sont réunis de bonne heure, munis de pancartes et drapeaux. Ils craignent pour les emplois avec le nouvel opérateur Urbaser mais également : « ils ne sont pas capables, ils vont dégrader l’outil de production que nous avions ! ». Le délégué syndical, salarié depuis 16 ans dans l’usine, est pessimiste : « le but est de faire couler l’usine. Urbaser est en vente, ils n’ont pas les moyens, alors que Suez oui. Il y aura de la casse de l’emploi, on est pris pour des imbéciles par la Métropole et ses élus ».
Au cœur des tensions, le projet de filière CSR (combustibles solides de récupération) au sein de l’usine Amétyst. René Revol, rapporteur, passe son grand oral et insiste sur la stratégie globale de la Métropole du zéro déchet : « réduction, recyclage, réemploi ». « On aboutit à un projet décidé le 2 avril 2024 pour désigner une nouvelle DSP (délégation de service public, ndlr) puisque l’actuelle termine en décembre 2025 », contextualise-t-il. Le monsieur déchets de la Métropole entend les inquiétudes mais confirme : « Je suis disponible pour le personnel. Je rappelle que Suez n’est pas propriétaire mais c’est la collectivité. La reconfiguration de l’usine, ce sera plus d’emplois que ce qui existe aujourd’hui. Restons calmes, ce sont des entreprises qui font leur travail, restons dans le nôtre ».
« Nous avons 250 000 tonnes de déchets à la Métropole, 110 000 nous restent sur les bras, on en fait quoi ? »
Parmi les candidats, c’est Urbaser qui rafle la mise, sous le poids des votes de la majorité, estompant les 17 votes contre et les 7 abstentions. Il succèdera ainsi à Suez le 1er janvier 2026 et devance l’autre concurrent Paprec. Il ne s’agit pas de « choisir une nouvelle DSP mais de reconfigurer Amétyst » pour une meilleure performance, insiste René Revol. Lequel abreuve l’assistance de chiffres : « nous avons 250 000 tonnes de déchets à la Métropole, 110 000 nous restent sur les bras, on en fait quoi ? On les exporte, mais de moins en moins de centres en veulent et c’est un désastre écologique ». L’enfouissement ? « catastrophique pour l’environnement », coûteux également, tout comme l’incinération, selon le VP.
Très vite, les grenades sont lancées sur les précédents exécutifs : « il faut être parfois un peu brutal. L’accord passé pendant les années 2000 a été catastrophique » en référence à l’usine Amétyst construite sous l’ère G.Frêche. Le vice-président clarifie : « le système de contrôle des rejets de la chaudière sera le plus performant du territoire national », avant de rassurer : « l’offre de Urbaser était la meilleure en tout point ». L’unité CSR sera mise en place en décembre 2029, des débats publics avant et après le projet auront lieu selon le VP, ainsi que l’arrêté préfectoral nécessaire à l’aval du projet, la consultation publique et l’enquête publique. 5 ans de travaux devront être engagés dans l’usine.
« Vous vous êtes laissés endormir par les lobbies de l’industrie »
Célia Serrano, élue écologiste fulmine : « ce CSR est une bombe à retardement, ce sont des centaines de millions d’euros qui vont profiter à cette industrie. Des micro plastiques volatiles vont se déposer sur les terres agricoles et dans les cours d’eau« . L’emplacement est le point sensible : « en plein cœur de la ville, quartiers Ovalie, Sabine, Grisettes, au milieu de commerces, d’écoles, d’hôpitaux, vous vous fichez de nous ? ». L’élue écologiste pointe les lacunes sur le volet scientifique : « vous avez été incapable de nous présenter des scientifiques, nous en avons qui alertent ». Avant de conclure : « 500 millions d’euros, un coût démentiel pour la collectivité, vous vous êtes laissés endormir par les lobbies de l’industrie ».
« Graver dans le marbre »
Avec son verbe haut et son timbre résonnant, François Vasquez étrille la majorité dans un discours fleuve. Celui qui fut à la place de René Révol en charge de déchets propose de « graver dans le marbre les responsables de cette délibération inique qui nous plongera pendant au moins deux décennies dans un gouffre financier ». « Le temps de la honte viendra », clame l’élu métropolitain le doigt levé, soulignant la « plus grande absurdité européenne en matière de traitement de déchets ». Le même dénonce une proposition bradée : « Suez a proposé une offre à 120 millions d’euros supérieure, c’est un acteur historique qui connait les coûts nécessaires. Comment faire une offre aussi basse à 400 millions ? En rognant sur les investissements, qui se feront plus tard mais plus cher ! On donne un demi-million d’euros aux industriels, ils captent tout l’argent nécessaire à une bonne politique de zéro déchet ». François Vasquez est catégorique : « vous servez à nouveau du Amétyst pour 15 ans, aucune leçon n’a été comprise ». Même son de cloche du coté d’Alenka Doulain (Mupes) : « Urbaser prévoit cinq fois moins de frais que les concurrents, c’est une impasse écologique et financière, il faut une gestion publique de la collecte, du traitement et de la valorisation, et la mise en place d’un syndicat intercommunal au sud de l’Hérault ».
« C’est la course à l’échalote »
Quant à l’ancien maire-président Philippe Saurel : « les réponses n’ont pas été satisfaisantes lors d’une conférence de la Région avec certains élus du territoire. J’ai d’énormes doutes sur les émanations. Puis, parler de ZFE et ensuite de ce type d’équipement en centre-ville, je ne comprends pas ». « Les municipales approchent, c’est la course à l’échalotte », abonde Manu Reynaud, anciennement EELV, adjoint de M. Delafosse. Sébastien Cote, adjoint à la tranquillité publique à la Ville, s’attarde sur la sémantique : « on tord le mot, on utilise le terme incinérateur alors que c’en n’est pas un, on fait des tracts mensongers, on insinue, on jette le soupçon, c’est la stratégie des populismes ».
« De l’énergie pour 15 000 foyers »
Rene Revol reprend la parole et précise : « la chaudière sera limitée à 45 000 tonnes, au risque de payer une TGAP au-dessus. Ici, on payera zéro ». A l’attention d’Alenka Doulain, il rembobine : « c’est toi qui m’a donné cette idée de CSR en 2022, tu avais fait une intervention pour vanter la valorisation énergétique » de nos déchets. Le mot final incombe au maire/président Michael Delafosse : « l’incinérateur de Lunel-Viel ne veut plus nos déchets, les décharges ferment, si nous ne faisons rien, la TEOM risque d’exploser. L’ADEME préconise les CSR, il permettra de produire de l’énergie pour 15 000 foyers, dont le parc social à 20% moins cher. A ceux qui me font des leçons de géo, j’habite Montpellier. Amétyst est proche de l’autoroute, mitoyenne de Lattes, et donc excentré ! ». Un long chemin sinueux reste encore à parcourir avant qu’il ne sorte de terre…