Cela fait 18 ans que Laurent Murcia est conducteur au sein du réseau TAM de Montpellier Métropole. Il est également secrétaire FO TAM depuis 2015, secrétaire du Comité social et économique et élu à la Fédération nationale des transports. Laurent Murcia tira la sonnette d’alarme.

InfOccitanie : que constatez-vous au fil des années dans les transports à Montpellier Métropole ?

Laurent Murcia : le Covid a changé beaucoup de choses, la parole s’est libérée, les gens sont de plus en plus exigeants. La précarité monte aussi dans notre région. Mécaniquement, la probabilité d’avoir des incivilités augmente, liée notamment au non respect du code de la route. Les mobilités douces nous impactent aussi fortement. Beaucoup de décisions sont prises en matière de plan de mobilités, sans que les conducteurs soient consultés, c’est dommageable. L’espace public appartient à tout le monde.

InfOccitanie : Avez-vous des chiffres concernant les incivilités ?

Laurent Murcia : on va les demander à la direction. Depuis 2022, nous n’avons plus les chiffres officiels sur les incivilités, dont les atteintes à la personne par exemple. J’espère qu’on aura les chiffres d’ici avril. Je pense que les chiffres officiels seront largement inférieurs aux chiffres dont on dispose. En temps normal, les incivilités explosent dans tous les réseaux, avec la gratuité sur la métropole chez nous, c’est pire puisque plus de monde prend les transports en commun, c’est mathématique. Il y a plus de problématiques envers le conducteur de bus que celui du tramway qui, lui, est isolé. Les incivilités sont à la hausse, pas à la baisse comme la direction semble nous dire.

InfOccitanie : Quelles sont les incivilités que vous constatez ?

Laurent Murcia : Des atteintes aux biens comme une vitre que l’on casse. Des atteintes à la personne directement. Des conducteurs se font cracher dessus, on les menace de mort régulièrement. Je tiens à préciser que les conducteurs exercent une mission de service public ! Il y a un gros problème en matière de responsabilité. Si un usager casse une vitre, on arrête le tram, la rame est évacuée, la mamie qui a son rendez-vous au cardiologue au Millénaire juste après ne pourra pas s’y rendre. Et derrière, les rames suivantes seront bondées. Mais le pire, c’est que l’on ne va pas chercher les dommages et intérêts auprès du fautif qui nuit à la tranquillité publique. Dans 80%, les plaintes n’aboutissent à rien.

InfOccitanie : Vous dites ne pas être suffisamment soutenu par l’appareil judiciaire et par la direction, pour quelles raisons ?

8 fois sur 10, il n’y a pas de plainte. On encourage les conducteurs à porter plainte, tous ne le font pas. Il faut que l’on soit soutenus par la direction et les instances judiciaires, pour que les fauteurs de trouble soient sanctionnés fortement, et qu’ils soient montrés en exemple à ne pas suivre, jusqu’à des peines d’emprisonnement avec sursis et 5000 euros d’amende. L’arsenal juridique doit être appliqué lorsque il y a un outrage commis à l’encontre d’un agent chargé d’une mission de service public, comme à l’hôpital. Là, ce n’est pas le cas. C’est presque si on nous dit de faire avec car, c’est notre travail, vous rendez-vous compte ?

InfOccitanie : Pourtant une Police métropolitaine des transports a été créée en 2023. Que vous apporte-t-elle ?

Laurent Murcia : elle sera de 42 personnes en juin 2025 d’après nos informations. Elle est arrivée au moment de la gratuité, presque avec deux ans de retard, en raison de problèmes de recrutement j’imagine. C’était une revendication du syndicat. Maintenant, j’espère que le roulement sera assuré, afin de varier les heures de contrôle et la présence sur tout le réseau… J’attends de voir.

InfOccitanie : La première rame de la ligne 5 est arrivée à Montpellier…

Laurent Murcia : justement, à ce sujet, je pense qu’on ne sera pas aux horaires annoncés de 7 minutes entre deux rames, plutôt de 12 ou 15, parce que l’on n’aura pas toutes les rames, elles arrivent au fur et à mesure. La ligne 5 sera avec un intervalle à peu près le double de ce qui était prévu. On nous dit que cela va désengorger la ligne 1, je n’en suis pas convaincu. Les autres stations vont être chargées avec l’extension de la ligne 1 jusqu’à Sud de France. Cambacérès, ce sont 15 000 salariés plus le lycée MendèsFrance. Cette ligne 1, elle va plus que charger !

InfOccitanie : Mobilités douces, le plan de circulation est-il à revoir selon vous ?

Laurent Murcia : Il y a de plus en plus de vélos, mais il n’y a pas suffisamment de couloirs de bus, ils roulent donc sur la plateforme de tramway, cela accentue l’insécurité. On était demandeur de réunions avec le collectif Vélocité pour entendre leurs revendications et qu’ils entendent les nôtres. On craint les vélos qui traversent de manière dangereuse et nous coupent la voie. Le pire, c’est l’apparition de panneaux jaunes au niveau des feux, stipulant que même en cas de rouge, ils peuvent passer. N’oubliez pas que le tramway doit avoir le temps de freiner, l’accident aura quand même lieu, à 20km au lieu de 30, mais il aura lieu !

InfOccitanie : La gratuité, qu’en pensez-vous ?

Laurent Murcia : La gratuité est un choix politique, je ne suis pas la pour la commenter. Nous à FO, on était sur une politique sociale tarifaire sur le plan national. Je constate simplement que la charge voyageur a explosé, on est en saturation sur la ligne 1 et la ligne 15 par exemple. L’offre de transport n’a pas été augmentée en conséquence.

InfOccitanie : Quelles sont les lignes de bus problématiques ?

Laurent Murcia : L’urgence est sur la ligne 15, la plus longue du réseau qui va de Place de France à Sabines. On y trouve un intervalle de 12 minutes en heure creuse et 15 minutes en heure de pointe, alors que cela devrait être respectivement 6 minutes et 8 minutes. Le dimanche c’est une heure d’intervalle, sachant qu’elle fait la liaison avec 3 lignes de tramway, je vous laisse imaginer. Les conducteurs sont en souffrance, la charge de voyageurs est énorme. On annonce des renforts de bus en septembre, on attend…

InfOccitanie : Vous dites que la pyramide d’âge est élevée au sein de TAM, que proposez-vous ?

Laurent Murcia : Avec la réforme des retraites en effet, on a des pyramides d’âge élevées, cela va impacter les fins de carrière. Beaucoup de conducteurs ont entre 45 et 55 ans. On demande à la direction de récupérer les lignes « suburbaines » comme vers Grabels par exemple, pour y affecter ces conducteurs et les accompagner vers la fin de carrière, notamment au nord et au sud. Ces lignes sont confiées à un délégataire. Ils nous répondent que cela à un coût. Nous demandons également à gérer les liens jusqu’à Saint-Mathieu-de-Tréviers, Ganges, etc.