Dans son cabinet situé place de la Comédie à Montpellier, maître David Guyon aborde son combat avec le plus de simplicité possible, de manière à le rendre perceptible par le plus grand nombre. Au commencement était une loi. Celle du 5 août 2021 instaurant le « pass sanitaire » et l’obligation vaccinale ayant chamboulé la société française.
« 12 000 agents suspendus estimés »
Parmi les publics soumis à l’obligation vaccinale, les soignants et assimilés (infirmiers mais aussi pompiers, etc.), les agents publics (dont des gendarmes et des militaires), les salariés et les libéraux. Des soignants en première ligne, pour lesquels les Français applaudissaient en nombre tous les soirs, accoudés à leurs fenêtres.
« La loi prévoyait, soit de satisfaire à l’obligation vaccinale, soit d’être suspendu sans aucune rémunération, avec interdiction d’exercer », contextualise l’avocat montpelliérain. Un choix non sans répercussion sur le train de vie économique : « les agents qui ont fait le choix de refuser légalement la vaccination ne pouvaient ni bénéficier du chômage, ni des minimas sociaux« . Le refus était en effet légal, impliquant l’absence de garanties procédurales qui auraient dû s’appliquer dans le cadre d’une faute.
« L’obligation vaccinale pourrait être rétablie sans débat parlementaire ! »
Trois hypothèses permettaient alors d’être en conformité avec la loi : la vaccination, le rétablissement après contamination et le certificat de contre-indication. « On estime à 12 000 environ le nombre d’agents libéraux et salariés suspendus entre le 15 septembre 2021 et le 15 mai 2023, date à laquelle l’obligation a été levée », avance maitre Guyon. Lequel alerte par ailleurs : « cette loi du 5 août existe toujours. Si demain, le gouvernement estime que nous allons vers une nouvelle crise sanitaire, il pourrait tout à fait rétablir l’obligation vaccinale en abrogeant simplement le décret, sans débat parlementaire… ».
Deux arguments juridiques relevés
« Il y a 24 arguments juridiques de liberté fondamentale, méconnus par la loi. La loi n’a pas valeur suprême, au-dessus se situent les conventions internationales et la Constitution », hiérarchise le spécialiste du droit. Ces 24 arguments ont tous été rejetés.
L’avocat mise alors sur deux arguments juridiques. « Le droit de propriété pour commencer. La suspension a impliqué pour certains une mort sociale, vous êtes livré à vous même, dans des cas de précarité extrême pour certains », entame maître Guyon. En second lieu vient « le droit à la vie familiale et privée », lié au choix de se soumettre ou non à un traitement expérimental.
Obtenir réparation même si la loi est légale
Contester la décision de suspension implique qu’elle soit illégale, or le Conseil d’Etat, la Cour de cassation, et le Conseil constitutionnel ont validé les décisions de suspension. « Est-ce moral, c’est un autre débat… », interroge l’avocat. Depuis le 15 mai 2023, maître David Guyon a accompagné 400 soignants dans leur combat pour obtenir réparation. « La demande de réparation devant la juridiction administrative peut être un succès dans certains cas, même si la loi est parfaitement légale », pointe notre interlocuteur. Légalité et réparation apparaissent ainsi comme deux principes distincts. Maître Guyon mise sur la responsabilité sans faute, les juges nationaux considérant en effet qu’il n’y a aucune faute, y compris au regard des deux arguments soulevés plus tôt.
Pour autant, un « certain degré de gravité » dans le cadre du préjudice est nécessaire afin d’obtenir réparation. « On estime que rester vingt mois sans rémunération, c’est un carton plein ! Pour les personnes concernées, il n’y a pas de débat sur la possibilité d’être indemnisé », juge maitre Guyon.
Un revers économique pour beaucoup
Le préjudice, lui, existe bien, pour certains il a été dévastateur : « tous les jours, des clients m’appellent. Ce sont des couples brisés sur fond de désaccord au sujet du vaccin, des professionnels de santé qui ont fermé leur cabinet faute de personnel, des soignants qui ont perdu la vocation et ont changé de métier. Déjà qu’ils étaient mal payés, ils se sont rendus compte qu’ils étaient remplaçables et éjectables ».
« La possibilité de condamner l’Etat français »
Dernièrement, une nouvelle étape a été franchie dans le degré de juridiction, portant sur la légalité de l’obligation vaccinale. « J’ai déposé mes observations complémentaires devant la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) en mars 2025. Je représente cinq personnes qui ont perdu tous les recours précédents. La CEDH a la possibilité de condamner l’Etat français si elle estime que le droit à la vie privée et familiale a été perdu, en lien avec le choix de s’injecter ou non un produit expérimental ».
Réponse d’ici le 21 mai prochain
« Pour le moment, il n’y a pas de décision des tribunaux administratifs. Cela va se jouer devant la CEDH à mon sens. Notre procédure sera essentielle. Si l’Etat est condamné, la loi du 5 août 2021 est illégale. La CEDH a laissé jusqu’au 21 mai prochain pour que le gouvernement réponde à nos dernières observations », conclut maitre David Guyon. En clair, deux recours distincts sont à relever, l’un devant la CEDH portant sur la légalité de l’obligation vaccinale, le second devant les juges nationaux portant sur l’indemnisation. Témoignage vidéo ci-dessous :