Mercredi 20 août, scène de désolation. Sur la route sinueuse nous menant chez Serge et Corinne, sinistrés du feu des Corbières ayant ravagé 17 000 hectares, les paysages défilent, tous apocalyptiques. La noirceur enveloppe les collines, les chants d’oiseaux sont à l’arrêt, les cimes des arbres carbonisées. Çà et là, des voitures calcinées, des débris au sol, et cette odeur qui marque les âmes : celle tenace du brûlé. « Attention où vous marchez, il y a des clous », nous alerte Serge Vinches, tout en parcourant les vestiges de ce qui fut sa jolie demeure.

La vie en suspens

Au coeur du village de Saint-Laurent-de-la-Cabrerisse touché de plein fouet par l’incendie dans l’Aude, Serge Vinches y avait construit le « projet d’une vie », une vaste demeure pleine de charme, en autosuffisance, sur un terrain d’une vingtaine d’hectares comprenant un forage. Un havre de paix en communion avec la nature, jusqu’à ce qu’il soit anéanti par cette dernière. « J’ai toujours rêvé d’avoir ce projet, cela a commencé il y a 25 ans. C’était une bergerie ici auparavant, construite pour être à l’abri du vent… », détaille-t-il le regard lointain.

Un « front de flammes entre 800 et 1000 degrés »

« Le plus douloureux, ce sont les souvenirs, les photos, les dossiers dans nos ordinateurs… Il y a pire, nous n’avons pas perdu d’enfant, nous sommes encore en vie », relativise Serge avec dignité. Avec sa compagne Corinne, ils ont été alertés alors qu’ils se trouvaient à la plage, « on est venus dans les véhicules des courageux pompiers, on a juste pu sauver Chloé, notre petite chienne ». Derrière lui, la carcasse de sa maison, ravagée par un front de flammes entre 800 et 1000 degrés dans une vallée ou le vent a accéléré dans le creux et a tout calciné.

« J’ai tout de suite compris qu’il y avait peu d’espoir »

« Au regard de la vitesse de propagation, de l’épaisseur de la fumée et de la panique, j’ai tout de suite compris qu’il y avait peu d’espoir », narre-t-il encore avec émotion. Aussitôt, il propose : « il n’y a que des landes inexploitables ici, je me dis, pourquoi ne pas faire de l’élevage à l’avenir. Caprin évoque le royaume des chèvres, c’est peut-être ce qui est adapté ici… », précisant avoir respecté les obligations de débroussaillage. « Face un à mégafeu, rien ne peut arrêter un sinistre de cette ampleur », souffle-t-il avec désarroi.

De l’herbe a fait son apparition

Concernant l’indemnisation, Serge et Corinne disent être entre de bonnes mains : « notre agent d’assurance fait un très bon travail, elle est à nos côtés, on ne va pas se plaindre, même si on reste vigilants ». L’incendie pourrait être d’origine criminelle, l’enquête a été confiée au parquet de Montpellier. Serge Vinches aimerait que soient données des contraventions de taille, afin de dissuader les comportements dangereux : jet de mégot, barbecue, à l’image de ce qui peut être fait aux Etats-Unis. Il narre une anecdote marquante : « j’ai croisé par le passé un groupe de personnes d’une trentaine d’années autour d’un barbecue, pas loin d’ici. Je leur avait dit ‘attention si vous vous endormez, avec le vent et la sécheresse, une seule braise suffit, vous ne pourrez rien arrêter’… ». Il s’efforce à rester optimiste, de l’herbe a fait son apparition, quelques fourmis ont repris le travail. « J’ai bon espoir que les chevreuils reviennent… », et que la vie renaisse.

« J’invite le coupable à ne jamais traverser le village un jour ! »

« Si c’est criminel, j’invite le coupable à ne jamais traverser le village un jour ! », s’emporte le maire de Saint-Laurent-de-la-Cabrerisse, Xavier de Volontat. Ici, le traumatisme des habitants se lit sur les visages. Deux camion de pompiers défilent, quelques seniors se figent sur les trottoirs, visages blêmes, redoutant un nouveau départ funeste de feu. « On a encore le souvenir vivace de cette tragédie », narre le maire de ce petit village d’environ 800 âmes, avant de regarder vers l’horizon : « on passe à la phase de reconstruction. Vous savez, je suis maire d’un petit village, je dois être mécanicien, bûcheron, psychologue en même temps. Heureusement que mon équipe est extraordinaire, les élus, les services et les bénévoles ont apporté spontanément leur compétences ». La vie sera de l’avis de l’édile « légèrement différente », au regard des paysages transformés, des maisons à reconstruire. Quant à l’enquête, il se questionne: « est-ce que le coupable, si jamais l’incendie est criminel, sera puni à hauteur des dégâts humains, matériels et environnementaux ? ».

Une aide d’urgence, un élan de solidarité

Pour l’heure, place à l’urgence. Grâce à la cagnotte organisée par votre média InfOccitanie forte de vos nombreux dons, plus de 10 000 euros ont été collectés, qui iront entre les mains des administrés, par l’entremise de l’association « Aude solidarité ». Des dossiers d’instruction devront être formulés avec, pour chacun des sinistrés, le besoin identifié. « Nous vous remercions vraiment », confie Suzanne Delon, trésorière de l’association, elle-même appuyée par le Département de l’Aude pour la logistique et le matériel. « Certains vont nous dire qu’ils ont perdu leur frigo, la voiture, la tondeuse ou autre, nous interviendrons au cas par cas. Les chèques arrivent en grand nombre, nous avons confiance aux finances », précise-t-elle, tout en nous montrant une liasse de chèques arrivés en une seule journée. 500 euros d’urgence seront d’ores et déjà distribués par personne sinistrée. L’odeur de brûlé nous irrite les narines. Il est temps de quitter les lieux. Si vous souhaitez faire un don à Serge et Corinne, une cagnotte a été ouverte par leur fille : cliquez ici.