Hérault : recours « atypique » aux soins de dialyse, la Fondation Charles Mion dénonce une étude « incomplète »

La Chambre régionale des comptes d'Occitanie a publié un rapport dans lequel elle pointe du doigt un recours à la dialyse "atypique" en Occitanie. La Fondation Charles Mion – Aider Santé considère cette étude "incomplète".
© DR / Jean-Yves Bosc, néphrologue au sein de la Fondation (gauche), Anne-Valérie Boulet, directrice de la Fondation (milieu), Jean-Paul Cristol, vice-président de la Fondation (droite).

La Cour des comptes évoque un recours « atypique » aux soins de dialyse dans la région. Quelle est votre réaction ?

Jean-Paul Cristol : Avant de répondre directement, il est important de resituer la Fondation. Elle a été créée dans les années 1970 et œuvre depuis plus de 50 ans auprès des patients atteints de maladies rénales chroniques. Notre mission ne se limite pas à la dialyse : nous intervenons dans la prévention, la création de parcours de soins personnalisés, la proximité territoriale, la dialyse à domicile et l’accès à la transplantation. Concernant le rapport de la Cour des comptes, il évoque un recours à la dialyse « atypique » dans la région. Ce n’est pas la Fondation seule qui est concernée, mais bien l’ensemble de la région Occitanie. Cette « atypie » supposée résulte du fait qu’il existe en France des hétérogénéités dans tous les secteurs médicaux, avec des gradients Nord-Sud, parfois Est-Ouest, notamment sur le diabète, l’hypertension ou d’autres facteurs médico-sociaux. La région Occitanie, sur la base des données disponibles, se situe dans la moyenne nationale pour le recours à la dialyse. La région Aquitaine, à laquelle nous sommes comparés, présente l’un des taux les plus faibles de France. C’est donc cette comparaison qui crée une impression d’ »atypie », mais elle est biaisée.

Anne-Valérie Boulet : Je tenais à rappeler que sur les six départements concernés, nous représentons 44 % de l’offre de dialyse. Il est donc probable que, par souci de simplicité, la Chambre ait choisi de se concentrer sur notre établissement. Pourtant, une analyse régionale, menée avec des épidémiologistes, aurait été plus pertinente que de traiter ce sujet dans le cadre d’un rapport de la Chambre régionale des comptes. D’ailleurs, la Chambre elle-même reconnaît qu’elle n’a pas réussi à apporter une explication satisfaisante à la situation et qu’il existe peu d’études sur les analyses infranationales. Elle précise également à plusieurs reprises que les éléments avancés ne peuvent pas constituer une démonstration à portée scientifique. Par ailleurs, elle s’appuie sur des données de mortalité datant de 2012 à 2014, alors même que l’audit porte sur la période 2019 à 2024. Nous considérons que l’atypie est supposée pas démontrée, mais que l’analyse à ce stade n’est pas robuste, sur ce point.

Et sur le surcoût évoqué ? Près de 60 millions d’euros de plus qu’en Nouvelle-Aquitaine…

Jean-Yves Bosc : Concernant l’indication des traitements de suppléance, qu’il s’agisse d’hémodialyse ou de dialyse péritonéale, elle repose sur des indicateurs très précis. Ce sont des recommandations de bonnes pratiques édictées par la Haute Autorité de Santé, et elles sont scrupuleusement respectées. L’analyse de la Chambre régionale des comptes a porté sur la période 2019–2024. Nous avons examiné toutes les prises en charge en dialyse au sein de la Fondation. Cela représente 1 137 dossiers de patients. Sur ces 1 137 prises en charge, 1 115, soit 98,1 %, répondaient strictement aux critères de démarrage des techniques de dialyse recommandés par la Haute Autorité de Santé. Les 22 dossiers restants ont été examinés au cas par cas, et bien qu’ils ne respectaient pas un des critères à savoir le DFG. Ils respectent les autres critère des recommandations médicales . Les enquêteurs de la Chambre ont reconnu qu’il n’y avait aucune dialyse trop précoce au sein de la Fondation, et donc rien d’anormal.

En ce qui concerne ce qu’ils qualifient de « consommation atypique », effectivement, le coût de la dialyse est plus élevé en Occitanie qu’en Nouvelle-Aquitaine, pour un nombre d’habitants comparable. Le coût supplémentaire est estimé à un peu moins de 60 millions par an. Rapporté au nombre de patients dialysés, cela reviendrait à dire que l’Occitanie dialyse 1 000 patients « de trop », ce qui serait extrêmement grave à sous-entendre. Cela reviendrait à affirmer que ces 1 000 patients n’auraient pas dû être traités, alors même que toutes les indications médicales sont conformes aux bonnes pratiques. C’est ce type de raccourci qu’il faut absolument éviter.

Que pensez-vous globalement de la méthodologie du rapport ?

Jean-Paul Cristol : Nous considérons que, concernant l’atypie, l’étude est incomplète. La Chambre le reconnaît elle-même. Il ne faut pas tirer de conclusions hâtives. Mais c’est déjà le cas et c’est dommageable. Cela jette l’opprobre sur les équipes, la structure, alors que ce n’est pas un sujet qui est propre à l’établissement.

Est-ce que vous avez été entendus durant l’enquête ?

Jean-Paul Cristol: Oui, nous avons été auditionnés. Le contrôle a duré 17 mois, avec plusieurs questionnaires, des centaines de documents fournis, des échanges contradictoires et des réponses écrites à deux reprises. Certaines de nos observations ont été intégrées au rapport, notamment sur la greffe. Mais d’autres ont été ignorées.

Jean-Paul Cristol : Sur ce point, j’aimerais ajouter un élément. Lorsqu’on lit le rapport en détail, il est clairement souligné que la Fondation offre une prise en charge de qualité, y compris pour la dialyse à domicile. Ce point est appuyé par les résultats de nos certifications. La Fondation est certifiée depuis 2004, c’est-à-dire depuis la toute première vague de certifications, et ce, sans interruption. Cela fait donc 20 ans que notre qualité de soins est reconnue par les autorités de santé. Pourtant, malgré cela, ce que l’on retient du rapport, c’est cette notion d’ »atypie » supposée, présentée comme régionale, mais qui, dans les faits, cible directement la Fondation.

Ces conclusions peuvent-elles porter préjudice à la Fondation ?

Anne-Valérie Boulet : Pour moi, ce rapport nous porte préjudice. Nous sommes dans une période de réforme de la prise en charge de l’insuffisance rénale chronique, et plus globalement de recherche d’économies dans le système de santé. Ce qui est particulièrement dommageable, c’est cette tendance à assimiler la dialyse à une source de « rentes financières ». Il y a deux choses à dire là-dessus. D’abord, si tout le monde pouvait bénéficier d’une greffe, ce serait idéal. Mais ce n’est pas possible : certains patients ne sont pas éligibles à la transplantation et ont donc besoin de dialyse. Par ailleurs, on oublie que la dialyse est un traitement vital pour une pathologie chronique non guérissable. C’est une maladie qui est complexe, les patients ont souvent de nombreuses comorbidités. Ils ont besoin de soins de support comme des psychologues, assistantes sociales, nutritionnistes, de proximité, et d’un accompagnement global. Cela représente un coût, certes, mais un coût nécessaire. À la Fondation, nous avons mis en place un maillage territorial important pour limiter, par exemple, les coûts de transport. Nous développons la dialyse à domicile pour maintenir l’autonomie des patients, éviter les hospitalisations évitables, et leur permettre de vivre mieux.

Dire qu’une consommation plus élevée de dialyse, chiffrée ici à 60 millions d’euros de plus que dans une autre région, traduit une situation financière confortable est faux. Trois mois de trésorerie, ce n’est pas du confort, c’est de la gestion saine, à peine suffisante pour absorber les aléas : remplacement d’un équipement, hausse de charges, etc. Et les patients dialysés, eux, n’ont pas le choix. Ce n’est pas un traitement de confort. On parle de survie. Ce qui est aussi très regrettable, c’est que ce rapport jette le doute sur l’engagement des professionnels de santé. Des femmes et des hommes qui ont été applaudis pendant la crise Covid, et qui aujourd’hui peuvent se sentir accusés. Cela fragilise la relation de confiance avec les patients et décourage des vocations dans un métier qui repose justement sur l’empathie et l’éthique. Ce n’est pas pour être accusé de chercher le profit qu’on devient soignant. Et ça, il faut le rappeler.

Que demandez-vous aujourd’hui ?

Anne-Valérie Boulet : Ce que nous demandons, en revanche, c’est qu’une véritable analyse médicale soit menée par des experts compétents en épidémiologie. Nous avons souhaité que l’Agence de Biométrie ainsi que l’inspection Générale des Affaires Sociales prennent part à une étude de ces questions, car des compétences épidémiologiques sont pour nous indispensables pour dégager des indicateurs clés. Ce sont des sujets graves, qui concernent des patients, et qui méritent rigueur et retenue.

Prévisions météo Hérault

Consultez notre carte et les prévisions de votre ville.
À Montpellier et partout dans l'Hérault (34).

MA MÉTÉO
update FIL INFO 24/7

L'app InfOccitanie

Restez connectés

OBTENIR