Militant de longue date au service de l’humain, Pietro Truddaiu déploie une énergie considérable au profit des plus fragiles. Le président nous accueille au sein de l’association Table ouverte, véritable bouffée d’oxygène au cœur du quartier paupérisé de Richelieu à Nîmes.
Lorsqu’il croise Coluche dans la Drôme, lors de l’ouverture d’une antenne des Restos du Cœur, ce dernier se veut rassurant. « Il me dit que cela durera deux ou trois ans, qu’un pays comme la France réussira à surmonter les difficultés », rembobine Pietro Truddaiu. Voilà quarante ans que les associations de distribution alimentaire se multiplient pour nourrir un nombre croissant de personnes. Table ouverte qui accueillait jadis des personnes sans domicile fixe, nourrit désormais des retraités, des familles monoparentales, des jeunes… A ceux qui hurlent à l’assistanat et recommandent joyeusement d’aller chercher un travail, Pietro Truddaiu ne répond qu’une chose. « J’aimerais les accueillir pour leur montrer qui nous servons. Qu’il s’agit de retraités veufs avec une mince retraite, de personnes handicapées avec une petite allocation, et de bénéficiaires du RSA avec 600 euros par mois ».
Retraités, familles monoparentales, bénéficiaires du RSA
Pourquoi alors ne pas tout bonnement chercher du travail, nous direz-vous ? Le problème est plus sournois qu’il n’en a l’air. « Quand tu es pauvre, tu es assigné à résidence, tu te replies sur toi, tu n’es pas du tout à l’aise », égrène le président bénévole. Anecdote symptomatique, une coiffeuse s’était portée volontaire pour couper gracieusement les cheveux des bénéficiaires. « Ils n’osaient pas aller la voir seuls et demandaient à être accompagnés », narre-t-il. Sans compter la honte de quémander de l’aide souvent perçue comme dégradante. Pour sortir les bénéficiaires de l’exclusion et les ouvrir à la mixité, un poste d’adulte-relais a vu le jour. Ce dernier développe ainsi les activités socio-culturelles au travers du théâtre, de concerts, de la fête des voisins… Un atelier numérique est en projet afin de retravailler les CV des bénéficiaires. L’adulte-relais prévoit par ailleurs de les mettre en contact avec des entreprises intérimaires du coin.
Des rires francs, des cafés à la main et la cuisine du midi qui mijote. Rue Richelieu, la maison donnée par le Diocèse de Nîmes à l’association Table ouverte, est comble de bienveillance. Une bulle de répit dans une société intraitable à l’égard des plus vulnérables. L’association est créée en 1986 par Odile Assmann. « Une Cévenole pur sucre, très pieuse et énergétique, avec une personnalité entre l’Abbé Pierre et Coluche », décrit le président. Pietro perpétue cet héritage universaliste. Lui qui naît en Sardaigne, dont le père a travaillé dans les mines du Nord de la France dans les années 50, a toujours été le porte-voix de ceux que l’on n’entend pas. Un syndicaliste dans l’âme.
Repas, douche, vêtements
Tout est judicieusement organisé, Table ouverte se distingue par son éventail de services. Il y a bien sûr l’accueil café du matin, le service du midi sur place et à emporter, les colis alimentaires une fois par semaine et la distribution en dehors des murs de l’association. Des repas servis à 1 260 bénéficiaires en 2023, entre 1€ et 1,50€ suivant les revenus. 200 bénéficiaires mangent à la Table ouverte par semaine. Dans ce quartier où certains vivent dans des appartements insalubres, l’association offre la possibilité de prendre une douche gratuite. 50% des bénéficiaires viennent des quartiers Richelieu et Gambetta, classés ‘Contrat de ville’, le reste provient du grand centre de Nîmes. Deux fois par semaine, des vêtements sont proposés à prix symbolique. « Certains viennent juste pour prendre le café et discuter, cela crée des liens sociaux », se réjouit le président qui fait venir accordéonistes et guitaristes dans la cour rénovée.
30.000 repas en 2023
Pietro Truddaiu est par ailleurs membre du conseil d’administration de la Banque alimentaires du Gard. Cette dernière fournit plus de 100 associations partenaires et distribuent 15.000 repas par jours dans le département. « On fait nos plats en fonction des marchandises disponibles, lait, raviolis, huiles, épicerie sèche… » Carrefour market, rue du Painlevé fait également don de produits afin de compléter les repas, avec des plats cuisinés, des barquettes de viande, de poisson, des fruits et légumes… 62 bénévoles ont servi 30.000 repas en 2023. Les distributions estivales ont vu des files d’attentes de 400 personnes place Saint-Charles à Nîmes. « On servait des melons, des pêches, selon les arrivages », précise le président qui fait état de 20 tonnes distribuées à Nîmes. Les prochaines distributions pourraient inclure des produits d’épicerie.
Vente aux enchères de prestigieuses cuvées
Table ouverte fonctionne sur un budget de 150.000 euros, dont la moitié provient de subventions publiques. Le reste repose sur les dons et la participation des bénéficiaires « On a la chance d’avoir des gens qui nous donnent depuis 1986 », note-t-il avec une certaine émotion. Une vente aux enchères des plus prestigieuses cuvées des Costières de Nîmes est programmée le 23 mars prochain, de 10h à 12h, à l’Auditorium des archives départementales, 7 Collines à Nîmes. L’évènement parrainé par le président de The social club, Denis Allegrini, réunit 19 domaines et caves, et trois bouteilles du Clos de la Fontaine à Nîmes. L’intégralité des fonds sera reversée à l’association pour la création d’une épicerie solidaire. « On remplit des missions de service public », note le président qui loue le dévouement des bénévoles, véritable « chaine de solidarité extraordinaire ».