Hélène Poquet est pédopsychiatre au CHU de Nîmes et suit notamment des tout-petits de moins de 4 ans. Elle tire la sonnette d’alarme quant au fléau des écrans.
InfOccitanie : quels sont les chiffres de la consommation des écrans chez les tout-petits ?
Hélène Poquet : une étude canadienne révèle que les enfants de 2 ans passeraient en moyenne 2,4 heures par jour devant les écrans, ce temps basculerait à 3,6 heures par jour à 3 ans. Un rapport de la commission gouvernementale des “1000 premiers jours” indiquait en 2020 que la moitié des enfants de 3 ans étaient exposés à la télévision au moins une fois par semaine, plus d’1/3 au smartphone. On note une utilisation principalement passive, à tout moment de la journée, avec la télévision allumée alors que l’enfant ne la regarde pas.
Certains parents utilisent l’écran pour occuper l’enfant ou le calmer pendant une crise. Pourquoi est-ce contre-productif ?
Car ils imposent des stimulations intenses aux enfants qui sont alors en saturation cognitive. L’écran pourrait empêcher chez leur propre régulation émotionnelle. En raison notamment de l’immédiateté. L’enfant scrolle, cliquez, obtient une réponse instantanée. Ceci renforce l’intolérance à la frustration et, de fait, l’irritabilité. Autre enjeu, l’ennui. Ce dernier est fondamental pour laisser le cerveau en repos, en dehors des multi stimulations sensorielles. Il faut pouvoir laisser libre court à son imagination. Or, un enfant exposé aux écrans n’accepte plus l’ennui.
Beaucoup de parents laissent la télévision en fond, est-ce tout aussi nuisible ?
La télévision en fond interrompt l’apprentissage l’enfant dans son jeu et empêcherait l’apprentissage de la concentration, selon le rapport 1000 premiers jours. Les écrans sont toxiques pour les tout-petits. De 0 à 2 ans, il ne faut absolument aucun écran, y compris la télévision allumée alors que l’enfant ne la regarde pas. De 2 à 6 ans, des études montrent qu’il faut se restreindre à 15 minutes par jour ou 30 minutes trois fois par semaine.
Quelles sont les autres conséquences sur l’enfant ?
Selon le réseau de pédiatres “Naitre et grandir” : une très grande exposition aux écrans chez les enfants en bas âge serait associée à une moindre motricité à l’école, une faible habilité sociale en raison d’un manque d’interactions, des capacités cognitives moins élevées en ce qui concerne la mémoire à court terme, des difficultés d’attention… On relève également des problèmes de sommeil, de surpoids, une mauvaise posture…
Que pensez-vous des jeux vendus comme « éducatifs » sur tablette ?
Beaucoup de contenus se disent “éducatifs”, or aucune donnée scientifique n’existe en faveur d’un bénéfice de ces logiciels pour les moins de 3 ans, même accompagnés d’un adulte. Des études montrent que les vidéos spécialement conçues pour le vocabulaire seraient en fait associées à un vocabulaire plus retreint chez l’enfant. Tout le temps passé devant l’écran n’est pas un temps utilisé pour le contact humain, l’exploration d’un univers en 3D avec tous ses sens, ou le jeu.
Que constatez-vous en consultation ?
Je vois très fréquemment les parents donner le téléphone à l’enfant pour que l’on puisse échanger tranquillement. Certains parents me disent qu’il n’y a pas d’exposition aux écrans à la maison. Quand je les interroge au sujet de la télévision, ils me rétorquent que ce n’est pas vraiment un écran… Certains parents confessent laisser l’enfant entre 8 à 10h par jour devant les écrans… A 24 ou 36 mois, certains enfants que je reçois connaissent maximum 5 mots…
Les écrans créent-ils des TDAH, Trouble déficit de l’attention ?
Pour moi, les écrans n’entrainent pas de TDAH, qui correspond à un trouble du neurodéveloppement cérébral structurel. Pour autant, les écrans aggravent les symptômes : intolérance à la frustration, irritation, perte d’intérêt pour les autres activités, perte d’appétit…
Peut-on parler d’une addiction au même titre que le tabac ou la drogue ?
Cliniquement, ce n’est pas reconnu formellement comme étant une addiction, ce qui est le cas pour les jeux vidéos en revanche. Néanmoins, on retrouve des similitudes : la compulsion, le désir intense d’avoir un écran sous les yeux, la perte de contrôle, la tolérance qui s’installe à l’image d’une dépendance médicamenteuse. La prise de conscience est de plus en plus prégnante au regard des conséquences en matière de santé publique pour le développement des enfants et les générations à venir.
Ce temps perdu au détriment du développement est-il irréversible ?
Il y a cette question de fenêtre développementale. Plus on intervient précocement, plus vite on mettra en place les interventions, plus on sera efficace. Nous avons constaté de belles évolutions au sevrage.
Que conseillez-vous aux parents ?
Il convient tout d’abord de ne pas stigmatiser les parents. Pour beaucoup, ce sont des mamans seules, des familles monoparentales qui font ce qu’elles peuvent. Il faut y aller progressivement, fixer au tout-petit des objectifs atteignables. Le sevrage doit être progressif. Il faut retrouver des moments partagés avec une qualité d’interaction, sortir au parc, permettre à l’enfant de courir avec un autre et de se sociabiliser. Il faut éloigner les enfants de la lumière bleue une heure avant d’aller au lit, sans quoi il secrètera difficilement de la mélatonine (hormone du sommeil, ndrl.) et aura du mal à dormir.
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