Alexandre Pissas, président du SDIS 30 (Service Départemental d’Incendie et de Secours), et Thierry Carret, directeur, font le bilan de l’été et dévoilent quelques projets dans les cartons.
InfOccitanie : Quels sont les chiffres clés du SDIS 30 ?
Alexandre Pissas : ce sont 130 millions d’euros de budget, provenant à 60% du Conseil départemental du Gard et à 40% des communes. Le SDIS emploie environ 3000 personnes, dont 721 sapeurs-pompiers professionnels (500 volontaires), et 170 personnels administratifs et techniques. Le Gard compte 30 centres de secours, nous sommes le département le moins doté de France par rapport au nombre d’habitants. L’Ardèche dispose de 62 centres alors qu’ils sont largement moins nombreux.
Qu’est-ce qui explique ce handicap ?
Alexandre Pissas: c’est une particularité historique. Avant 2000, les centres sont restés communaux pendant un siècle et demi. Certaines grosses communes ont polarisé les moyens et l’activité, à l’image de Nîmes qui avait une grosse caserne. Nous avons très peu de grandes communes gardoises. A l’époque, beaucoup de communes étaient des mourres ruraux.
Les édiles jouent-ils facilement le jeu ?
Alexandre Pissas : la population est à 95% en faveur des pompiers, elle adule les petits soldats bleus intouchables. Mais les élus… ce n’est pas la même chose ! Ils regardent le porte-monnaie de la commune d’abord, et considèrent que dans leur budget, cela peut-être un trou. La contribution au SDIS offusque certains de mes collègues élus qui, en revanche, acceptent plus facilement d’autres dépenses comme les déchets, etc…
Le SDIS 30 a-t-il investi sur du matériel roulant innovant ?
Thierry Carret : nous disposons de 650 véhicules, 110 dédiés aux feux forêt, 90 ambulances, une cinquantaine de véhicules pour les feux urbains et 15 échelles. On est bien doté en quantité et en qualité, on a investi pour nous mettre à niveau. En feu de forêt, on dispose des véhicules les plus sécurisés de la façade sud, les camions sont neufs. Le camion est alors une zone de refuge et protège le sapeur-pompier, même en plein cœur d’un feu intense.
Cette saison estivale a-t-elle été plus ou moins dramatique que les années précédentes ?
Thierry Carret : cette année, on a eu environ 400 feux de végétation, dont 14 d’origine criminelle, contre 1800 feux de végétation en 2022. Nous avons eu beaucoup moins de surface brûlée, 50 hectares environ. La météo nous a beaucoup aidés avec les pluies, ce qui était moins le cas dans l’Aude, les PO ou l’ouest de l’Hérault cette année.
Sur quoi s’appuie le dispositif d’intervention pour plus de réactivité ?
Thierry Carret : notre efficacité réside dans l’intervention très rapide sur le feu de végétation naissant. Les pompiers louent deux hélicoptères bombardiers d’eau jusqu’au 15 septembre, pour un coût de 600 000 euros. En plus d’un potentiel opérationnel journalier de garde, nous attaquons donc massivement tous les départs de feux avec notre dispositif terrestre à base de Groupe d’Intervention Feux de Forêt (7 à 8 détachements de 5 camions) qui complète nos centres de secours et aériens. Ce dispositif conséquent c’est un peu notre assurance tous risques estivale.
Pour quelle raison envisager une plateforme commune entre le Codis et le Samu ?
Alexandre Pissas : nous désirons une plateforme commune 15 – 18 depuis dix ans, pour pallier le manque de communication opérationnelle entre les deux. Le problème réside dans la requalification de l’acte opérationnel. Les pompiers ont à charge le feu, l’inondation, la détresse vitale et fonctionnelle, ou les victimes d’accidents et de catastrophes. Or, le monsieur qui est tombé et s’est fait mal au poignet appelle le 15 et c’est finalement le pompier qui est envoyé par défaut de ressources autres. Il remplit une mission qui n’est pas la sienne. Je le rappelle, le 15 c’est l’Etat, le 18, ce sont le Département et les communes. C’est un acte masqué de décentralisation, c’est faire payer aux collectivités ce qui est à la charge de l’Etat.
Thierry Carret : Mais l’énorme avantage c’est le partage en commun des situations opérationnelles rencontrées, notamment lors des situations de crises régulières ou de l’hyper-sollicitation de l’un ou l’autre des services.
Où en est le projet ?
Alexandre Pissas : il y a de gros progrès, le chef médical du service de santé et de secours médical (SSSM) du SDIS entretient une bonne entente avec le chef des urgences du CHU. Il faut maintenant trouver un endroit proche du Codis et pas loin du CHU, mais également la volonté de l’ARS. Son directeur nous semble dans de meilleures dispositions vis-à-vis de ce projet..
Franck Proust, président de Nîmes Métropole, a évoqué un terrain à Saint-Césaire que vous pourriez occuper, qu’en est-il ?
Alexandre Pissas : c’est l’Établissement public foncier (EPF) régional qui le cèderait au profit de Nîmes Métropole qui en deviendrait propriétaire. J’ai déjeuné avec Franck. Il en a parlé par la suite lors conseil communautaire mais n’est pas revenu officiellement vers nous. Il nous faut une certitude.
Thierry Carret : on a déjà travaillé techniquement avec la Métropole, un groupe de projet a vu le jour. Il s’agit d’environ 1200m2 de plateau de travail, avec des bureaux, et toutes les infrastructures pour travailler 24h/24H 365 j / an. Si l’on construit quelque chose, c’est pour les trente prochaines années et pour satisfaire l’évolution régulière de la demande de secours. Les pompiers sont très sollicités, notamment en raison des difficultés de notre système de santé.
Le nouveau logiciel NexSIS vise à chercher la meilleure solution en explorant l’ensemble des centres de secours, et en prenant en compte la proximité, sans les frontières des départements. Où en est-on de son déploiement dans le Gard ?
Thierry Carre : c’est déjà le cas, en termes de distributions des secours il n’y a pas de frontières. aujourd’hui, on a des communes du Gard qui sont défendues par les Bouches-du-Rhône et vice-versa. J’ai commencé en 81 dans le métier, je n’ai jamais connu de frontières, encore plus dans la zone sud où on a l’habitude de travailler ensemble depuis longtemps surtout en raison des feux de végétations. Nexis est un système national et permettra une interaction plus facile entre les départements. C’est toujours en cours de développement et pour nous, ce sera une mise en service à horizon 2029. Pour autant dans ce métier, la vraie coordination opérationnelle est humaine, pas technique. L’ordinateur sait faire le courant mais pas l’exceptionnel ni le complexe et même avec l’IA, il faut pouvoir savoir quand prendre la main, il ne faut jamais l’oublier. Dans tous les cas, NexSIS est lié à la mise en service d’un nouveau bâtiment CTA/CODIS-18-15-112 .
Que dire aux jeunes qui réussissent leur concours mais ne sont pas recrutés ?
Thierry Carret : il y a cent départements, je leur conseille d’aller exercer ailleurs, de voir les autres pratiques et de revenir. Ce sont des expériences intéressantes qui permettent par ailleurs d’oxygéner le système et de renforcer la compétence au travers du partage d’expériences et de cultures.
Quels sont les projets de recrutement et de rénovation/construction de casernes ?
Alexandre Pissas : on est 721 sapeurs-pompiers, on sera 750 en 2028 avec un objectif de 10 recrutements par an. La caserne de Vauvert sera rénovée. La caserne du Vigan risque d’être reconstruite sur un plus grand terrain. La caserne de Bagard, à l’ouest d’Alès, sera construite en 2026, idem pour celle de Quissac. A Bellegarde, le président de Terre d’Argence Juan Martinez, nous a dit qu’il donnait le terrain et s’occupait de la construction, on n’a jamais vu ça !