InfOccitanie : Pourriez-vous vous présenter ?
Capitaine Azzedine El Hajjami : J’ai 49 ans, je suis originaire de la Mosson à Montpellier. J’évolue au SDIS 34 depuis 28 ans bientôt. Je suis chef du service formation et développement du volontariat au sein du groupement Ouest (Béziers, Agde, Pézenas, ndlr). Je suis également officier au Codis, le centre opérationnel départemental d’incendie et de secours. Je travaille à l’état-major du groupement qui se trouve à Villeneuve-les-Béziers. Je suis également référent égalité et lutte contre les discriminations depuis deux ans.
InfOccitanie : Le volontariat représente un précieux vivier… Quelles sont les actions pour le renforcer dans l’Hérault ?
Capitaine Azzedine El Hajjami : Il y en a beaucoup, il s’agit de trouver les ressources pour venir alimenter nos forces vives du département. Nous faisons des portes ouvertes, des actions de mise en lumière des SP dans des établissements scolaires, au travers de partenariats. Nous intervenons dans plusieurs lycées situés en zones prioritaires, à Montpellier et dans le Biterrois, dans lesquels nous avons crée 7 classes de ‘Cadets de la République’. Nous identifions des jeunes à fort potentiel, motivés, à qui l’on met le pied à l’étrier. Le but est de les former au secourisme, de leur insuffler l’engagement citoyen et républicain afin qu’ils deviennent des ambassadeurs. Le SDIS incarne toutes les diversités, peu importe sa couleur de peau, sa confession religieuse, ses origines… Tous peuvent se réaliser au sein de notre famille.
InfOccitanie : Vous êtes référent égalité et lutte contre les discriminations. Sur le terrain, comment cela se matérialise-t-il ?
Capitaine Azzedine El Hajjami : Il faut savoir que cela n’existait pas en France, la direction générale parisienne l’a créé récemment, le SDIS 34 a été l’un des premiers à l’expérimenter. Je suis en binôme avec une collègue sur tout le département, le but est de sensibiliser et de promouvoir l’égalité. Cela commence par la féminisation du métier. Dans l’Hérault, on atteint 30 % – professionnels et volontaires – de féminisation, dans la partie haute du classement national. On assiste à une vraie démystification de la profession, la représentation féminine s’améliore. Par ailleurs, nous avons mis en place il y a deux ans une journée d’accueil dédiée aux volontaires, durant laquelle le directeur départemental ou l’adjoint leur remet l’écusson, c’est très fort symboliquement. On leur lit la charte nationale du volontariat qui doit être signée, reprenant nos valeurs, les droits et devoirs. Nous avions déjà une charte solide, mais nous sommes en train de créer un référentiel départemental fixant nos actions globales. Une plateforme numérique de signalements de tout acte contraire à notre éthique est accessible à tous depuis 2022, SP et personnel, assurant l’anonymat. La cheffe de groupement Qualité de vie en service qui recueille les alertes a le pouvoir de diligenter une enquête si nécessaire.
InfOccitanie : Des faits de harcèlement, des actes graves à caractère raciste ont été dévoilés par la presse, survenus dans la caserne de Gigean (lire Mediapart, Midi Libre, ou France 3). Une question nous brûle les lèvres : les faits ont lieu en 2021, le rapport interne n’est établi qu’en 2024. Pourquoi ce retard ?
Capitaine Azzedine El Hajjami : Une source anonyme a porté le dossier à la connaissance du chef de centre de la caserne de Gigean, en décembre 2024. Ce chef de centre venait juste de prendre ses fonctions, il n’était pas présent au moment des faits en 2021. Dès lors qu’il est informé, le chef de centre remet le dossier à la direction du SDIS 34. La direction départementale diligente une enquête administrative avec deux objectifs : confirmer ou infirmer la véracité des faits, et savoir pourquoi les faits sont remontés quatre ans après. A l’époque, le directeur départemental Eric Florès sélectionne trois gradés qu’il mobilise sur ce dossier : un colonel issu l’autre groupement, afin qu’assurer l’impartialité, une cadre supérieure de la direction générale venue de Paris quelques mois avant, et moi, en tant que référent lutte contre les discriminations. Environ 20 SP de la caserne de Gigean sont auditionnés en un temps record. Il a fallu composer avec les disponibilités de chacun, je rappelle que nous n’avions aucun pouvoir judiciaire…
InfOccitanie : Quelles sont alors les mesures prises ?
Capitaine Azzedine El Hajjami : Les faits remontent à la surface en décembre 2024, on rend le rapport en juin 2025, le temps de procéder à toutes les auditions. Les résultats de l’enquête sont rendus à la direction 34 avec des préconisations, dont la mise à pied à titre conservatoire de trois sapeurs-pompiers et la mise en place d’un conseil de discipline à venir.
InfOccitanie : Le jeune homme, 17 ans au moment des faits, a-t-il refusé de porter plainte contre les sapeurs-pompiers mis en cause ?
Capitaine Azzedine El Hajjami : Le chef du centre de Gigean a été en contact avec lui, il a en effet refusé pour des raisons qui lui appartiennent. Toutefois, au regard de la gravité des faits, le président du Conseil départemental de l’Hérault, Kléber Mesquida, a porté plainte, tout comme le SDIS 34. Abus d’autorité sur agent, non respect du règlement intérieur, mise en danger d’autrui, ce sont quelques constatations recueillies dans les résultats de l’enquête administrative. Le SDIS 34 ne pouvait rester impassible.
InfOccitanie : Où en est le dossier à ce jour ?
Capitaine Azzedine El Hajjami : L’intégralité de l’enquête administrative a été transmise à la justice, entre les mains du Procureur qui se chargera de la suite à donner. Je souhaite tout de même ajouter que certains comportements déviants ne sauraient salir l’ensemble des sapeurs-pompiers. Pour avoir échangé avec de nombreux pompiers du SDIS, l’écœurement prédomine. Des comportements dysfonctionnels ne représentent en rien les valeurs qui animent nos 5000 sapeurs-pompiers.
